Chapitre 33

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PDV Inconnu

Nous avons établi des "tours de garde" pour surveiller la petite. Déjà deux heures que je suis là. Ça me fait vraiment bizarre de la revoir. Elle m'a tellement manqué... Après tout, c'est mon petit ange gardien. Celle qui m'a sauvé quand j'étais au plus bas. Celle qui a cru en moi quand l'humanité toute entière me tournait le dos. Même quand mon vieux frère d'arme est mort. Elle aussi avait perdu un être cher, et pourtant, elle a mis son malheur de côté et elle m'a tendu la main. Elle me gratifiait des jours durant de ses sourires -qui à présent me semblent si amère-, de son masque si rayonnant, que je n'ai pas su déceler son chagrin grandissant. Elle m'a sorti d'entre les morts, m'introduisant à ce nouveau monde. Je me souviens de nos bras de fer, de sa mine heureuse lorsque je la laissais gagner. Je me souviens de ses blagues, mais surtout de celles qui tournaient mal. Je me souviens de sa mine fascinée lorsque je lui parlais de mon enfance... Je me souviens de sa gentillesse, de ses yeux malicieux et de son rire. Si j'avais su la protéger, si j'avais su ouvrir les yeux, elle ne serait pas dans cet état.

Je me remémore tous les événements qui se sont déroulés depuis son arrivée. Et je me dis que j'ai fait trop d'erreurs. Nous avons fait trop d'erreurs.

Quand je l'ai vue, cachée à l'ombre de ce couloir, j'ai seulement suivi le plan. Je l'ai laissée nous "devancer", nous "semer" jusqu'à la salle de réunion. Mais ensuite, tout a dérapé. La seconde issue, celle par laquelle Antonia a quitté la salle de réunion, a toujours été condamnée par mesure de sécurité. C'est sa proximité avec le monde extérieur qui nous a fait prendre cette décision. Mais un crétin l'a déverrouillée. Quand j'ai entendu les personnes de la salle crier, quand j'ai compris ce qu'il se passait, il était déjà trop tard. On a tenté le tout pour le tout. La balle ne l'a même pas arrêtée. Au contraire, elle l'a motivée.

J'ai voulu la rejoindre, la sauver, mais ce chien d'Harrington m'a retenu. Il a commencé à m'accabler de toute sa propagande de merde : "Vous connaissez la règle, chef. Personne ne sort dehors sans être équipé."

Je me suis évidemment débattu, mais ce connard m'a drogué avec son foutu D.C.E.S.

Et à cause de lui, on a dû l'opérer.

Quand je le trouverai, je le massacrerai. Lui et le sombre merdier qui a ouvert cette porte.

Un petit cri étouffé me sort soudain de ma torpeur. Je relève les yeux, et remarque que la petite se débat dans son sommeil. Son visage, plein de larmes, est figé dans une expression de douleur. Elle tremble de toute part. Eh merde. Elle doit faire un sacré cauchemar pour être dans cet état. Je la secoue doucement et murmure son prénom. Aucun résultat. Elle s'agite encore plus. Il faut que j'aille chercher Witchy, elle saura quoi faire.

En sortant de l'infirmerie, je me cogne contre quelqu'un. La personne, qui se trouve être Harrington, lâche un juron à mon encontre.

Harrington : Putain ! Mais regarde où tu marches, merde !

Soudain, il semble réaliser à qui il s'adresse, et se décompose. Il est vrai que ma réputation d'assassin me précède toujours. Ça a des avantages parfois.

--- : Pardon ? C'est à moi que tu parles petit con ?

Harrington : Euh... Excusez-moi, chef...

Je le plaque contre le mur avant de le menacer.

--- : Recommence encore une seule fois et je défonce ta sale petite gueule. T'as de la chance que je sois occupé...

Il tente de faire face en me "foudroyant" d'un regard noir.

--- : Tu aggraves ton cas, p'tit merdeux.
Baisse les yeux.

Il s'exécute finalement.

--- : Ne te remets plus jamais en travers de mon chemin, fis-je en le lâchant. N'oublie jamais ce que tu me dois. Dégage.

Il commence à partir quand je l'interpelle.

--- : Oh, Trouduc !

Harrington : Oui ?

--- : Ça c'est pour la dernière fois, déclarai-je en chargeant mon D.C.E.S.

Je vide ma cartouche sur lui, et il s'effondre au beau milieu du couloir.

Ah ! Ça fait un bien fou !

Bon, il faut que je trouve Witchy maintenant. Ce ne sera pas compliqué, je suis sûr qu'elle est dans sa chambre.

***

J'avais bien raison. Witchy est dans sa chambre. Elle est assise sur son lit, les yeux dans le vague, la mort dans l'âme. Comme toujours depuis la mort de ses enfants et de sa bien aimée. On a tous perdu. Mais elle a particulièrement souffert.

--- : Qu'est-ce que tu fais, Witchy ?

Elle fait la grimace en entendant son surnom.

Witchy : Ça ne se voit pas, soldat ?

C'est à mon tour de faire la grimace. Je hais quand elle m'appelle comme ça.

--- : Amène toi, j'ai besoin de ton aide.

Witchy : À vos ordres, numéro cinq, répondit-elle en me rejoignant.

--- : Numéro cinq ? demandai-je perplexe.

Nous avançons calmement dans les couloirs.

Witchy : C'est Tawny qui t'as appelé comme ça, avoua-t-elle en riant.

Cela fait si longtemps que je ne l'ai pas entendu rire... Peut-être que le retour de Tawny me rendra ma vieille amie, qui sait. Celle qui souriait tout le temps, qui passait son temps à aider les autres et qui était vraiment trop curieuse... Qui sait ?

Numéro cinq : Ah la la ! Ces gosses... Vraiment n'importe quoi, marmonnais-je.

Soudain, Witchy bute contre le corps assommé d'Harrington. Je l'aide à se relever et elle me lance un regard noir.

Witchy : T'es sérieux ? Tu peux vraiment pas t'en empêcher...

--- : Mais c'est lui qui a commencé ! répliquai-je.

Witchy : T'es vraiment un gamin, numéro cinq.

--- : Eh ! Un peu de respect ! J'ai l'âge d'être ton père !

Witchy : Tu te rajeunis un peu là... Tu pourrais être mon grand-père ! s'exclama-t-elle.

--- : Ah, sale gosse...

Enfin, nous arrivons à l'infirmerie. Witchy se précipite au chevet de l'enfant, s'empressant immédiatement de la rassurer. Elle lui murmure de tendres mots à l'oreille, apaisant sa panique.

Tawny se réveille finalement, complètement déboussolée. Encore perturbée, elle éclate en sanglots et se réfugie dans les bras de mon amie. Cette dernière se glisse à côté d'elle et la berce longuement.

Tempus Fugit - Tawny RomanoffOù les histoires vivent. Découvrez maintenant