Chapitre 15

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Tout n'est que brouillard, douleur et voix mélangées. Je ne distingue que des formes floues qui bougent devant mes yeux. Un instant, je force pour mieux voir mais la douleur est si lancinante dans mon ventre que j'abandonne, le souffle court.

Malgré tout, je sens qu'on s'accroupit à côté de moi. La personne a dû être alertée par ma tentative minable d'apercevoir par dessus le brouillard placé devant mes yeux, car deux doigts palpent mon cou, à la recherche de mon pouls. Je pourrais avoir peur, mais je sais d'avance qu'il ne s'agit pas d'ennemis. Nëta ne l'aurait jamais permis.

Si j'avais pu rire de désespoir, je l'aurais fait mais mon estomac me le déconseille avant même que je le fasse. Toujours aujourd'hui, je dépends de ceux qui m'entourent et je suis incapable de me battre convenablement, même quand il s'agit de se défendre. Je ne peux même pas exprimer la rage qui couve sous ma peau et suis vouée à rester immobile, prostrée sur je ne sais quoi.

Toutefois, je distingue un peu mieux les voix, quelques minutes après avoir immergée de mon état. Claires comme de l'eau de roche, elles s'élèvent dans l'air :

— Tu penses qu'elle est réveillée ? demande une voix douce.

— Peut-être, je ne peux pas en être sûre. Son pouls ne s'accélère pas.

— Elle n'a sûrement pas peur, c'est tout, fait remarquer une voix plus grave.

C'est vrai. Et je devrais, je le sais. Qu'est-ce qui m'assure, après tout, que je ne suis pas entourée de parfaits inconnus qui ont pour seul objectif de me ramener vers Léo ? Et pourtant... Mon cœur me hurle à l'oreille que je suis en sécurité. Peut-être pas pour de bon, mais à cet instant, personne ne me touchera. Je serre les poings car il n'y a que moi qui suis protégée. Ni Alexia ni son frère, ni tout le reste de notre joyeuse bande ne l'est. À cet instant, je me maudis d'être elle, de bénéficier d'un privilège dont je ne veux même pas.

— Vous pensez qu'elle va se réveiller ?

— C'est quoi cette question à la con, Mery ? Bien évidemment que oui, raille la même voix grave.

Mery ? Mon cœur bondit à l'évocation de ce prénom. Mery, une louve que j'ai aperçu dans mes rêves, il y a bien longtemps. J'essaye de calmer mon cœur en lui intimant que ce n'est sûrement pas celle à laquelle je pense ; mais après tout, tout est possible. Ça pourrait être elle. Elle, qui me ramène des souvenirs terribles. Personne ne répond à la voix mais une personne souffle. L'intéressée je suppose.

— Tu sais que t'es insupportable quand tu t'y mets ?

— Merci, j'adore les compliments.

Sans pouvoir me retenir, je souris. La personne à qui appartient cette voix semble aimer le sarcasme, ce que je peux deviner à sa voix moqueuse. Malgré moi, je continue de sourire.

— Au moins ton humour semble plaire à quelqu'un, fait remarquer cette voix douce que j'ai entendu au début.

Je grimace et essaye de nouveau d'ouvrir les yeux. Difficilement mais sûrement, je distingue enfin trois silhouettes, à première vue, féminines. Une s'accroupit à côté de moi maintenant que j'aperçois nettement tout le monde et me sourit chaleureusement, ses yeux marrons pétillants.

— Tu as dormi longtemps, Léana. Ce qui est logique, vu ce qu'il s'est passé.

— Combien de temps ? croassé-je, la voix rauque par la soif.

Sans que je ne demande rien, Mery s'avance vers moi et me temps une gourde, que je suppose, remplit d'eau. Je la remercie sans croiser son regard et bois avidement pendant que la femme à la voix douce me répond. Elle hoche la tête et quelques unes de ses mèches brunes s'échappent de sa chevelure joliment tressée. Elle me rappelle quelqu'un, que ce soit dans ses traits mais aussi son regard si distinctif, sauf que je n'arrive pas à mettre le doigt sur qui.

La Malédiction de La Luna (S2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant