La première chose que je fais quand je me réveille, sans dessus dessous, c'est pousser un gémissement de douleur. Mon épaule lancinante irradie tellement de douleur que je ne prends même pas la peine de la toucher sans sentir la souffrance exploser sous mes doigts couverts de sang.
J'essaye de bouger mais entre les petits points noirs qui dansent devant mes yeux et tout mon corps ankylosé, il va me falloir cent ans et une bonne dose de courage. Pourtant, j'essaye et essaye sans me démonter, même quand mes os claquent et que mes genoux crient grâce, la peau déchirée et ensangletée. Heureusement pour moi, le liquide carmin a séché, ce qui signifie qu'il s'est écoulé plusieurs heures, voir plus de sept heures au vu du brillant soleil qui resplendit au dessus de nos têtes.
Je grogne et les yeux écarquillés, je cherche aussitôt le corps d'Alexander, qui je le sais, a dû tomber non loin de moi. Quand je le repère à plusieurs mètres de moi, je gémis de soulagement même si je ne me fais pas de rêve. A-t-il survécu ? Je n'ai pas besoin de sonder mon cœur pour savoir qu'il tambourine violemment, dans l'attente d'une réponse que je connais déjà mais que je refuse de voir.
N'ayant pas d'autres options que de ramper au sol, je me rapproche progressivement de lui, lentement mais sûrement. Seulement, au fur et à mesure de la scène qui se dessine devant mes yeux, mon corps se remet à trembler. Je n'ai pas besoin de plus de temps pour comprendre que ce qui l'entoure n'est autre qu'un sang noir ; le sang de la fin. Je me mords la lèvre jusqu'à me la faire saigner, pour oublier que je m'apprête à rejoindre son cadavre encore mort récemment.
Quand j'y arrive, le voir a le mérite de faire éteindre le dernier battement de mon cœur. Mes yeux me piquent instantanément et je sais, avant même d'avoir effleuré mes joues, que je pleure. Son torse ne se soulève plus et le liquide a noirci sa peau ainsi que le sol sur lequel je suis. Au moins, son visage détendu me rassure quelque peu même si je ne me fais pas d'illusions : il a souffert avant de mourir.
Mes lèvres se plient sous la peine qui suinte par tous les pores de ma peau et je halète plusieurs fois en prenant ma respiration, entrecoupée par mes sanglots toujours plus virulents. Mes mains se posent sur son torse. Comme j'aimerais le réveiller, le secouer et me dire que tout va bien, qu'il va ouvrir les yeux et me dire qu'il est là, qu'il est désolé et qu'il veut m'embrasser.
Mais non, il ne se réveillera plus jamais.
— Alex...murmuré-je en pleurant. Tu me manques... Pitié.
Je ne taris pas alors que je ne sais pas combien de temps ça fait que je hoquète, le cœur troué par la vue de son corps sans vie. Je n'ai plus qu'une seule envie : me blottir contre lui et m'en aller aussi, le rejoindre. Mais pourquoi elle ne m'a pas tué ? Pourquoi Shelley ne m'a pas prise à sa place ? Tout cela aurait été beaucoup plus supportable.
Je caresse son visage sans me résoudre à le lâcher. Ce visage que j'ai caressé, que j'ai aimé apprécier sous toutes ses coutures. Malheureusement, un grognement me ramène à la réalité. Je regarde tout autour de moi, soudainement en alerte, la respiration saccadée. C'est alors que je réalise le danger.
Il fait jour mais nous sommes en pleine forêt, au creux d'une falaise escarpée, totalement visibles. Que le danger soit humain ou animal, il ne faut pas que je reste là. Je redirige mon regard vers Alexander. Le trou s'aggrandit quand je m'imagine le laisser là, à la merci d'autres loups, de vrais, qui pourraient déchiqueter et manger son corps.
Non.
Malgré la douleur que me provoque mon corps quand j'essaye de me relever et le râle profond que je produis, je redouble d'efforts pour tenir debout après de longues minutes. J'observe une nouvelle fois l'état de mes jambes qui me donne des sueurs froides mais je ne peux pas m'attarder dessus. Il me faut tirer le corps d'Alexander quelque part où nous serons protégés. Je serre les dents puis décide de regarder un peu les environs à la recherche d'un endroit couvrant.
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La Malédiction de La Luna (S2)
Lupi mannariSaison 2 ✓ Un mois et demi après, Rodric et sa famille ne sont toujours pas réapparu tandis que Léana et Alexander dépérissent peu à peu sous l'inquiétude et l'impatience depuis que Nëta, la déesse de la nuit, leur a révélé la vérité. Le Père des Lo...