La Malédiction de La Luna (S2)

Chapitre 19

C'est violent, brutal.

Ses yeux remplis de haine me foudroient sur place si fort que je reste coite pendant un instant, simplement capable de balbutier. La honte envahit mon visage sans l'ombre d'un doute quand je sens mes joues chauffer. Sa dernière phrase, je ne la retiens même pas. Ce qui revient tout simplement, c'est que l'Alexander de mes cauchemars est là. Le même qui a promis de me tuer pour l'avoir rendu si malheureux. 

Il revient à la charge, sans une once de compassion face à mon état : 

— C'est toi qui...

— Arrête Alex ! supplie une voix reconnaissable entre mille.

J'étais tellement focalisée sur lui que je n'ai même pas vu qu'Alexia était juste derrière lui, en retrait. Elle a le visage tiré et des cernes qui démontrent sa fatigue et sa tristesse. Mon coeur se replie sur lui-même, comme compressé par mes côtés. La voir ainsi me fait prendre conscience qu'elle m'a encore plus manqué que je ne le pensais. Sans plus attendre plus, je lui saute dans les bras et elle me réceptionne avec un sourire chaleureux. 

— Léana...

Je comprends tout de suite à sa voix tremblante et remplie de trémolos qu'elle va mal. Très mal. Ses bras m'enserrent avec une force qui me coupe le souffle mais je n'y fais pas particulièrement attention. Ce qui compte le plus, c'est elle et comme je le craignais, elle revient brisée. Je ne peux même plus la lâcher. Il est hors de question qu'elle s'effondre sans quelqu'un pour la soutenir. Je me détache une seconde d'elle pour mieux l'observer.

Elle a la peau sèche, les lèvres un peu gercées et elle est clairement affaiblie. La voir ainsi me fait sentir soudainement coupable. Elle n'aurait jamais eu à traverser tout cela si je n'étais pas venue dans la meute. Elle n'aurait jamais perdue son père ni son frère Jam. Je baisse un peu la tête, ravagée par la douleur et le dégoût. Le dégoût de moi-même. 

— Léana ? redemande Ale, d'une voix empreinte de douceur.

Le comble dans tout ça, c'est que j'ai l'impression qu'elle va tenter de me rassurer et de me réconforter alors que c'est elle qui est au plus mal.

— Tu te sens coupable, hein ? fait une autre voix, plus grave.

Tendue, j'ose une fois de plus — ce que je vais certainement regretter — regarder le jeune homme plein de haines. Ses yeux me lancent des éclairs qui m'électrisent et me paralysent. 

— Alex, avertit dangereusement sa soeur.

— Tant mieux si tu te sens coupable ! C'est de ta faute ça, si on a été obligé de partir. Tu as ce don de ravager tout sur ton passage. Ca te fait plaisir ?

Ses mots déchirent tout sur leur passage. Tout y passe : veines, artères, valves. Mon coeur ne peut pas résister au poids de sa parole, qui est aussi aiguisée qu'une lame. 

— Je...

— Quoi ? Soudainement, tu ne sais plus parler ?

Il me cerne, comme un chasseur accule sa proie. Il me rappelle désespérément ce rêve, celui parmi tant d'autres que je veux oublier.  

— Arrête ! ordonne Alexia.

Alexander lui envoie un regard noir.

— Et pourquoi ?

— Vraiment ? Pourquoi ? répète-t-elle, un sourire amer déformant son visage.

Son expression me rend perplexe. Pourquoi est-elle autant en colère et amère ? 

— Pour toi on vit au XVIIIe siècle et tu as tout oublié donc je ne crois pas que tu sois le mieux placé pour l'ouvrir, Alex ! 

Je ne saisis pas tout de suite. Comment le pourrais-je ? Ca n'a aucun sens. J'attrape le bras de ma meilleure amie que j'ai laissé tomber y'a quelques minutes, perplexe et paniquée. La douleur, aussi forte et courte soit-elle, a laissé place à de la frayeur.