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Un brouhaha sans pareille résonne dans la gare de Paris. Les foules empressées autour de nous gigotent en attendant le prochain train. Les minutes qui me séparent de mon départ diminuent et le nœud dans ma gorge se resserre. J'ai le trac et cette peur me fait perdre pied. Marine et son petit-ami Sebastian se tiennent là, face à moi, et maintenant qu'est presque venu le moment de partir, je réalise vraiment à quel point ils vont me manquer. Ils me sourient d'un geste crispé et devant les poings serrés de mon amie je sais que la situation l'attriste autant que moi, même si elle se tue à maintenir le contraire, à dire que je fais le bon choix.

    Sebastian jette un coup d'œil discret à l'heure écrite sur le panneau des départs. Il est imminent, et maintenant que je le sens si proche, je ne suis plus tout à faire sûre de vouloir partir.

— Ça ne te dérange pas si Seb s'installe à l'appart pendant ton absence, demande Marine pour détendre l'atmosphère.

                                      Celui-ci prend un air concerné et je lâche petit rire discret.

— Du moment qu'il ne dort pas dans mon lit.

— Ce que tu peux être bête parfois, lance-t-elle en s'esclaffant à son tour en même temps que son copain après m'avoir donné un petit coup sur l'épaule.                   

    Un nouveau mouvement de tête pour consulter l'heure et je comprends que le moment est venu. Seb m'adresse une moue d'encouragement lorsque j'empoigne fermement ma valise. Je leur adresse alors un sourire aussi confiant que possible.

    Marine brise soudainement le mètre qui nous sépare en m'attirant brusquement contre elle. Son odeur vanillée vient chatouiller mes narines et les battements de son cœur résonnent avec le mien. Ses bras autour de moi m'apaisent comme ils savent si bien le faire et je ne voudrais pas les quitter. Je lâche un long soupir de contentement. Seb se joint à notre étreinte pour nous donner à toutes les deux du courage. Il ébouriffe ma tignasse rousse et après notre câlin chaleureux je recule doucement. Une nouvelle détermination s'empare de moi lorsque j'annonce :

— Je devrais y aller.

    Marine acquiesce d'un hochement de tête timide.

— Jonatan t'attendra à l'arrivée ?

— Il a intérêt, il me l'a promis.

    Je m'apprête à m'avancer sur le quai lorsque mon amie m'interpelle encore une fois:

— Qu'est-ce que Grace t'a dit au fait ?

— A peu près la même chose que toi, réponds-je immédiatement après un haussement d'épaule. A sa façon du moins.

    Sebastian me fait la bise tendrement et Marine acquiesce, m'embrasse une ultime fois la joue avant de me pousser pour que j'emprunte l'escalator. Je composte mon billet d'un geste tremblant et entreprends de longues respirations pour calmer les pulsions de mon organe vital.

    Je me retourne pour revoir encore une fois le visage de mes amis. Leurs doigts sont entrelacés et ils me font de grands signes de la main jusqu'à ce que je disparaisse. Cette image réchauffe mon corps et je leur rends leurs gestes jusqu'au dernier moment avec un grand sourire.

    Je grimpe à l'intérieur de mon TGV quand il arrive, pose mon bagage à l'endroit qui lui est dédié puis m'enfonce sur mon siège. Un frisson me parcourt tout le corps lorsque le train démarre enfin. Je regarde par la fenêtre à côté de moi partagée entre la sensation grisante d'être prête et celle de vouloir disparaître dans un trou de souris. Je suis des yeux le paysage se déplaçant à toute vitesse et dans un nouvel haut-le-cœur, je comprends que ma vie est en train de subir un tournent à la même allure.

L'ivresse de notre haine - gxgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant