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Jonatan allonge ma valise dans le coffre, abaisse ses lunettes de soleil sur ses yeux lorsque nous entrons dans sa voiture. Assis sur le siège conducteur à mes côtés, il souffle puis me dévisage sourire vissé au visage.

— Je suis tellement content que tu sois venue, déclare-t-il avec une voix douce.

    Je lui souris en retour puis il démarre le moteur d'un geste rapide. Sa voiture gronde et démarre aussitôt. Nous entamons les longues minutes de trajet qui nous attendent et celui-ci se déroule sans encombres. Il me parle un peu plus de son appartement qu'il a acheté avec sa compagne Isabella le moins dernier.

    Je sais qu'il essaye de rendre mon arrivée la plus banale possible parce qu'après tout, c'est ce qu'elle devrait être : deux amis d'enfance qui se retrouvent et se rejoignent dans la ville où ils ont grandis. Mais lorsque l'environnement me parait de plus en plus familier, je ne peux m'empêcher de frissonner. Quelle sensation étrange ! Celle d'être dans un endroit à la fois tellement connu mais pourtant si étranger. Au fur et à mesure que nous nous enfonçons dans les rues proches de Sète, cette impression grandit en moi et je me vois cinq ans plus tôt faisant le trajet en sens inverse noyée dans mes larmes.

    Je cesse de réfléchir d'un mouvement de la tête puis m'empare d'une cigarette dans la poche de mon pantalon. Je la montre à Jonatan, pour lui demander l'autorisation et il acquiesce en désignant ardemment le bouton pour ouvrir la fenêtre. Je m'exécute aussitôt et allume ce que je tiens entre mes lèvres. La sensation de sérénité qu'elle procure à mes muscles est délicieuse et je m'en délecte alors que Jonatan me regarde avec dégoût. Il ne fume pas et ne le fera certainement jamais. C'est quelqu'un de droit et de très respectueux des règles. Il cogite sans arrêt, tout le contraire de moi qui ne réfléchit jamais à rien. Il me recadre et je le libère. Je crois que c'est pour cette raison qu'on s'entend si bien. 

    Lorsque la voiture s'arrête devant un immeuble clair à l'allure plutôt moderne, je sors la tête de la fenêtre pour pouvoir l'observer un peu mieux. La mer est juste au bout de la rue, je ne sais pas depuis combien de temps je ne l'ai pas vue.

— Arrête de rêver grosse tête, on est arrivés alors descends de là, lance mon ami en claquant la portière après lui.

    Crétin. A mon tour je sors de la voiture pour venir près de lui. La chaleur se colle à moi et l'air marin envahit mes poumons qui se gonflent de joie. J'adore sentir cette odeur et écouter le bruit de ses vagues depuis petite.

    Jonatan ouvre le coffre, s'empare de ma valise et pose sa main dans mon dos pour me guider vers l'entrée du bâtiment. Nous grimpons quatre à quatre les marches jusqu'au deuxième étage pendant qu'il m'assène d'anecdotes dont lui seul à le secret. Arrivés devant une porte en bois, mon ami dépose sa charge au sol puis ouvre le dernier obstacle qui nous sépare de son appartement en tournant rapidement la clé dans la serrure.

— Je suis rentré !, s'exclame Jonatan alors que nous arrivons enfin à l'intérieur.

    Je jette quelques rapides coups d'œil autour de moi. Les murs clairs donnent un style plutôt épuré à l'endroit et rien ne semble aller de travers. Les meubles sont rangés, tout est à sa place et ne laisse aucune place au désordre. Je reconnais bien mon ami, éternel maniaque qu'il est !

    Une jeune femme s'avance soudainement vers nous, un grand sourire éclaire son visage et mon regard se pose immédiatement sur elle. J'imagine qu'il s'agit de la fameuse Isabella. Ses cheveux vénitiens attachés en queue de cheval et ses yeux verts rieurs lui donnent un certain charme. De loin, on pourrait presque nous confondre. Elle s'arrête à quelque centimètres de moi pour me faire la bise.

L'ivresse de notre haine - gxgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant