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— Deux jours à Biarritz avec Inès Muño, la même femme qui t'a quasi agressée lorsque vous vous êtes rencontrées c'est ça ? J'ai bien suivi ?

J'acquiesce et Marine s'esclaffe à l'autre bout du fil sans me laisser le temps de répondre. J'arque un sourcil, pousse un long soupir qui a pour effet de calmer un peu ses éclats.

— Sérieux Marine, c'est pas drôle. Je vais vivre les deux pires jours de ma vie et toi tu ris de mon sort. On ne s'adresse quasiment plus la parole depuis qu'elle m'a ouvertement déclarée la guerre. Cette histoire va mal se terminer je le sais.

— Sois pas pessimiste ! Et puis au moins si elle ne te parle pas il ne peut pas y avoir de problèmes.

Marine a raison, le silence d'Inès est sûrement salvateur pour nous deux. Mais cette histoire de voyage avec elle me remue tout de même les entrailles depuis deux semaines. J'ai pourtant essayé de redemander à Grégoire, de m'assurer que tout était vrai et non un mensonge de ma supérieure dans le but de me tracasser. Doute qu'il a évidemment balayé, m'assurant que c'était non seulement l'occasion de me former directement auprès d'une femme compétente mais aussi de briser la glace et d'améliorer nos rapports. J'ignore si je peux être aussi sure que lui que ce sera le cas mais de toute façon je n'ai pas le choix. Grégoire déteste les conflits et il m'a bien fait comprendre qu'en cas de désaccord, il se rangerait toujours du côté de mon aînée sans forcément chercher plus loin.

— Et dis-moi par simple curiosité, elle serait pas un peu belle cette Inès pour te tracasser comme ça ?, me relance Marine pour briser le silence.

Sa question m'arrache malgré moi un sourire et je peux sentir le sien à l'autre bout du combiné ainsi qu'imaginer son regard taquin.

— Jessica, je sais que tu souries la. Alors ?

— Disons qu'elle est pas désagréable à regarder c'est vrai, réponds-je en roulant des yeux. Mais je te vois venir et c'est pas la peine. Premièrement, elle me déteste et deuxièmement, elle est mariée. Je n'arrive simplement pas à comprendre pourquoi elle essaye à ce point de me faire sortir de mes gonds. Elle maintient que ça n'a rien à voir avec ce que je t'ai dit sur Jonatan mais c'est forcément faux parce que si c'est pas ça alors qu'est-ce que c'est ? On ne peut pas se parler plus de deux minutes sans s'énerver. Peut-être qu'on est juste complètement incompatibles. Je n'arrive pas à la cerner tu vois. Regarde, elle m'a dit mot pour mot : « j'étais heureuse jusqu'à ce que j'apprenne que je parte avec vous ». Prends toi ça dans la figure. Comment tu veux agir avec elle après ça ?

— Oula Oula, calme toi un peu et respire. Ça ne vaut pas le coup de se torturer le cerveau, il y des gens comme ça avec qui ça ne passe pas et c'est tout. Je ne pense pas que ça ait vraiment un rapport avec Jo. Il en dit quoi lui ?

— Il ne dit rien parce qu'il n' a rien à savoir.

— Attends, tu n'en as pas parlé à Jonatan ? Pourquoi ?

— Parce que je ne veux pas l'inquiéter avec cette histoire. Il se sentirait coupable et ce n'est pas du tout ce que je veux. Et puis je le connais, je sais qu'il voudrait m'aider il ne ferait qu'empirer la situation.

— Si tu le dis, mais fais attention. Ne porte pas ça seule, et si ça devient trop dur tu as le droit d'arrêter, tu n'as pas besoin de ça.

J'acquiesce d'un petit bruit et un silence s'installe. Elle a raison, mais curieusement je ne veux pas arrêter quoi que ce soit. Cette histoire avec Inès me change les idées. J'ai l'impression de réfléchir à autre chose, quelque chose de plus futile. Je préfère mille fois m'arracher les cheveux pour elle plutôt que de réfléchir à ce que je ressens d'être ici.

— Ne t'inquiète pas, je ferai attention mais je ne compte pas abandonner.

Nous changeons de sujet et nous évoquons des souvenirs en ricanant en chœur.

Une fois seule, je m'écroule sur le lit et reste allongée ainsi quelques minutes. Plus que quelques jours avant le grand départ et je commence de plus en plus à ressentir la pression. Si les choses se passent là-bas comme elles se passent ici, comment faire pour ne pas craquer ? Je ne veux pas donner raison à Inès mais je ne veux pas non plus me faire marcher dessus. La seule solution est que j'apaise les tensions alors si je dois mettre de l'eau dans mon vin pour y parvenir, je veux bien essayer. J'espère simplement qu'elle sera réceptive à mes efforts.

Je me redresse soudainement et pars me changer pour aller travailler. J'opte pour une tenue légère, parfaite pour un début de mois d'avril puis pars attendre mon bus à l'arrêt juste sous l'immeuble.

Comme il tarde à arriver, je décide d'aller au bureau à pied. J'allume mes écouteurs sans fil et enclenche la musique dans mes oreilles. Immédiatement, je me sens flotter dans les rues de Sète, comme si je n'existais plus vraiment. Sur le trajet, je passe devant un hôtel qui n'attire pas de suite ma curiosité. Néanmoins, mes yeux s'écarquillent lorsque je distingue une silhouette familière en sortir. La femme qui descend les marche est de dos mais je la reconnais presque immédiatement.

Inès.

A peine assimilé-je l'information que je baisse la tête vers le sol pour pas que nos regards ne se croisent. Elle marche devant moi sans se retourner et je croise les doigts qu'elle ne le fasse pas du trajet. Une tonne de question fuse dans mon esprit sans que je parvienne à les faire taire. Ma curiosité est malsaine et je le sais très bien, mais je ne peux pas m'empêcher de vouloir savoir. Que faisait-elle dans cet l'hôtel ? A-t-elle dormi là pour partager une nuit avec son amant ? Ou alors parce qu'elle se sépare de son mari ?

Je m'arrête quelques minutes pour la laisser prendre de l'avance sur le chemin et annihiler définitivement toutes les chances de nous croiser. Lorsqu'elle s'éclipse de mon champ de vision, je reprends ma marche et je ne la revois pas jusqu'a ce que je pénètre dans le bureau.

La-bas, Leslie m'accueille d'un grand sourire accompagné d'un signe de la main que je lui rends avec un petit sourire. Alors que je m'avance vers notre bureau avec Maud, Inès me coupe la route. Elle est en train d'enlever sa veste et ses joues sont rosies. Son souffle est rapide.

— Evans, me lance-t-elle entre deux respirations sans prendre la peine de me regarder, tenez puisque je vous croise voilà votre fiche de consigne pour la journée.

Elle passe sa main dans son sac et en sort une feuille blanche qu'elle me tend immédiatement. Je brûle d'envie de lui demander pourquoi elle était à l'hôtel ce matin mais au vu des tensions entre nous, je n'en ai pas le courage. Je décide à la place de mettre mon plan à l'exécution et de tenter une nouvelle approche pour calmer le jeu. J'essaie le retour à zéro pour partir sur de nouvelles bases. De plus, peut-être que si j'installe un climat de confiance elle se confiera d'elle même sur cette histoire.

— Super merci beaucoup, lancé-je alors tout sourire en m'emparant de la feuille. Vous allez bien ?

Inès lève la tête vers moi, perplexe. Je le suis tout autant qu'elle. Mes dents sont serrées tandis que je me vêtis de mon plus grand sourire.

— J'imagine oui merci.

Je hoche la tête. La catalane ne me quitte pas yeux, arque un sourcil. Un silence s'installe et je reste figée devant elle, ignorant si je dois partir ou rester.

— Et vous ?, finit-elle par me demander.

— Génial.

L'ivresse de notre haine - gxgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant