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Jonatan me fait de grands signes de la main depuis le quai lorsque je descends du train avec Inès. C'est à ce moment là que je prends conscience que notre bulle à Biarritz vient d'éclater et j'ai peur de voir comment les choses vont se passer maintenant. Je lui adresse un sourire un peu gêné, qu'il ne voit probablement pas dans la pénombre, avant de tourner les yeux vers ma voisine.

    A quoi joue-t-il ?

    Je suis dépitée.

    Pourquoi ne m'a-t-il pas envoyé simplement un message pour me dire qu'il venait me chercher directement à la gare ?

— Je suis désolée, je ne savais pas que Jonatan serait là, murmuré-je le regard fuyant.

— Ce n'est pas grave, il veut sûrement s'assurer que je ne vous ai pas mangée.

    Je ne réponds pas à son sarcasme. Je sens bien qu'elle est en colère. Ses sourcils sont froncés et son regard clair est devenu noir. Inès m'ordonne d'un mouvement de tête de le rejoindre et je m'exécute immédiatement. Cependant, avant de m'éloigner, je me retourne et lui demande :

— Lorsque vous irez voir pour Grégoire, pourriez-vous...

— Je vous tiendrai au courant.

    Encore une fois je grimace de l'entendre me couper la parole mais je m'abstiens de tout commentaire, le message est passé. A vrai dire, la voir m'interrompre en pleine phrase commence à devenir une habitude. Une habitude insupportable certes mais une habitude tout de même. Un instant j'hésite à lui parler de la plage mais les mots restent coincés dans ma gorge. Je préfère faire comme si il ne s'était rien passé et de toute évidence c'est ce que voudrait Inès aussi : qu'on n'en reparle plus jamais.

    Je tourne définitivement la tête et m'avance un peu gênée vers mon meilleur ami qui m'attend de l'autre côté du quai tandis que ma tutrice, elle, reste en retrait. Je peux aisément deviner son mécontentement et son air contrarié. Elle nous regarde de loin pendant que Jo m'ébouriffe le crâne comme à son habitude. Il s'empare de ma valise avant de lever le regard vers la brune. Ils échangent un long discours silencieux et je déglutis. Je peux sentir que les yeux de mon voisin sont emplis de regrets et de remords. Ses sourcils sont froncés, ses poings serrés autour de mes bagages. Inès, elle, semble distante. Elle fixe Jonatan mais ses yeux ne brillent plus, comme si quelque chose était mort en elle. Ce regard vide et détaché me terrifie. C'est Jonatan qui brise le lien visuel en premier. Il s'éloigne sans un mot et je le suis après un dernier coup d'œil lointain pour Inès.

    Dans la voiture, il me demande de lui raconter mon séjour et je lui explique tout, en omettant simplement quelques détails comme les révélations d'Inès, l'histoire de la plage et l'accident de Grégoire. Je ne veux ni qu'il s'inquiète vis-à-vis de son ami, ni qu'il s'imagine quoi que ce soit qui ne serait pas vrai entre Inès et moi. Néanmoins je demande tout de même :

— Pourquoi es-tu venu jusqu'à la gare ?

    Jonatan tourne la tête vers moi, intrigué. Il arque un sourcil. Probablement a-t-il compris où je veux en venir. Pourtant, il ne répond pas, tourne autour du pot.

— Pour te chercher, Jess.

— Et je t'en remercie, mais je veux dire pourquoi es-tu venu dans la gare ? Pourquoi ne pas m'envoyer simplement un message et m'attendre sur le parking ?

— Quelle différence ça fait ? Je pensais que ça te ferait plaisir que je vienne.

    Je souffle avant de répondre :

— Jo, tu savais que j'étais avec Inès. Pourquoi venir si ce n'est pas pour chercher les ennuis ?  La journée d'hier n'a pas été facile pour elle en plus. Donc ta petite apparition à la gare je m'en serai passée.

L'ivresse de notre haine - gxgOù les histoires vivent. Découvrez maintenant