L'ivresse de notre haine - gxg

42

— Tu savais toi que Maud a eu une histoire avec Inès ?

    Leslie ressert la ceinture de son manteau noir, le visage neutre, comme si elle ne réalisait pas l'ampleur de sa question. Démunie, je bégaye des mots incompréhensibles tandis qu'elle retire son casque de scooter.

    Comment peut-elle être au courant ?

    Inès n'aurait aucun interêt de lui avouer la vérité, elle sait parfaitement que Leslie a du mal à tenir sa langue. La fuite donc vient forcément de Maud. Elle n'a pas pu s'empêcher de rajouter de grain de sel pour garder un semblant de contrôle dans une histoire qui ne la concerne plus.

    Plus du tout même.

    Leslie et moi sommes presque seules dans cette rue sombre de Sète, devant le bar où Elise m'a donnée rendez-vous hier. Je retire à mon tour mon casque, laisse mes cheveux danser avec le vent. La nuit est déjà tombée et par conséquent, sa fraicheur aussi. Leslie a accepté de m'accompagner au concert d'Elise, à la seule condition que nous ne rentrions pas trop tard et Lucien nous a laissé son scooter pour nous éviter de devoir y aller en bus.

    Quand j'ai proposé à mon amie de venir, j'ai bien pris soin de ne pas lui révéler les sentiments d'Elise au risque de me faire charrier pour le reste de l'été et j'ai simplement prétexté que nous voir toutes les deux était son idée à la base.

— Je me suis dit qu'il fallait que je t'en parle, rajoute la blonde en me tirant de mes pensées. Je suis tombée de quatorze étages quand Maud m'a écrit, mais je comprends mieux maintenant pourquoi elle avait du mal à te parler ces dernières semaines.

    J'attrape le deuxième casque et le pose sur la place passager.

— Je savais déjà, avoué-je. Inès me l'a déjà dit l'autre fois chez moi. Inutile de te révéler que je suis tombée de quatorze étages aussi.

    Je ricane, nerveuse.

— Par contre Maud n'est au courant de rien pour Inès et moi, rajouté-je. Sauf si tu lui as dit quelque chose.

— Pas du tout !, s'exclame-t-elle. Pour qui tu me prends, je sais garder un secret ! Crois-moi qu'elle n'a pas besoin de moi pour se rendre compte qu'il se passe un truc entre vous. Sérieux, Jess, vous vous bouffez des yeux en permanence et il faudrait être aveugle pour ne pas s'en apercevoir.

    Je ne lui réponds pas, me contente de lui adresser un sourire moqueur. Leslie n'y fait pas attention et pousse une grande expiration. Au fond de moi, son constat me fait plaisir. Je devrais me détester d'être aussi peu discrète mais savoir qu'Inès me regarde un peu trop longtemps pour le réduire à un regard banal fait chavirer mon coeur.

— En tout cas, tu m'enlèves une épine du pied, souffle la blonde. J'avais peur de te l'apprendre mais en même temps je pouvais pas garder cette information cruciale pour moi ! Je te jure, ça tournait en boucle dans ma tête depuis qu'elle m'a écrit ce maudit message.

    Leslie parle si vite que je ne parviens pas à assimiler le sens de sa phrase. Non seulement Maud lui a bien révélé sa liaison avec Inès mais en plus elle l'a fait par texto. Là où toutes les preuves restent et rien ne disparait jamais.

— Elle te dit quoi dans ce message ?, articulé-je.

— Elle m'a demandé si j'avais des nouvelles d'Inès parce qu'elle ne lui répond plus et Maud se demandait si elle nous répondait à nous, débite Leslie. Alors j'ai dit que moi non je n'en avais pas spécialement mais que toi : oui. Et c'est à ce moment là qu'elle m'a répondu un long message me disant qu'elle était triste que sa relation avec Inès se finisse aussi mal, qu'elle ne comprenait pas du tout les raisons de leur rupture et qu'elles se sont juste, je cite : « trop aimées pour qu'elle puisse accepter de se déchirer autant ».