4 D é c e m b r e

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UN MOIS D'HIVER
Francesca
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« Je t'invite au ciné !
- Non.
- Comment ça non ? Tu refuses mon...
- Je paierai ma place. »

Aren leva les yeux au ciel comme s'il se disait « fallait s'y attendre » et vint s'adosser à mon bureau. Par cette fin d'après-midi d'hiver, les rayons du soleil semblaient redoubler d'éclat et venaient traverser les fenêtres en de minces rayures dorées. D'innombrables particules de poussières s'élevaient dans les airs, en restant suspendues dans le vide. Le tic-tac défini de l'horloge était le seul élément permettant de revenir à la réalité d'une banale salle de classe.

« À quoi est-ce que tu penses, me souffla Aren.
- À rien en particulier, je me perdais juste dans ma contemplation. »

J'allongeai mes bras sur la table et vint poser mon menton entre mes coudes.

« Au fond tu penses toujours à quelque chose.
- C'est vrai que j'adore me triturer les méninges.
- Alors ? insista Aren. Moi, j'étais en train de me dire qu'au lieu d'un film il y a un dessin animé qui a plutôt l'air pas mal, mais je suppose que tu me laisseras choisir comme toujours.
- Hum, moi je me disais que je commençai à avoir mal au menton, la table est trop dure.
- Quoi tu aurais préféré une table en coton ?
- Non, en velours.
- Pff toi et tes goûts de luxe ! »

Nous continuons d'observer en silence les pelures de poussière qui dansaient dans les airs. Des éclats de voix lointains venaient parfois troubler le silence parfait de la salle endormie.

« Dis, Claire, qu'est-ce que tu crois que tu vas faire plus tard ? Moi, je n'arrive pas à me projeter dans le futur. Dès que je m'imagine plus âgé, en costume, prêt à aller travailler, j'ai l'impression que ce n'est plus moi. Peut-être que dans mon futur boulot je n'aurais pas besoin d'y aller en costume... eh ! t'endors pas hein ? »

Il me secoua l'épaule ce qui m'obligea à relever la tête.

« Aller, après la pause il te reste une heure de cours à tenir. »

Ça me fit réaliser que je ne pourrais plus somnoler la tête dans mes bras avant longtemps.

« Non.
- Comment ça non ? Je connais ton emploi du temps mieux que toi. »

Je m'étais enfin redressée sur ma chaise et rangeais le reste de mes affaires que j'avais laissé traîner dans mon sac.

« Je viens de décider que je n'irai pas. Je vais passer voir la vie scolaire pour leur dire que je suis malade.
- Toi alors ! »

Une fois dans le bus, je fermais doucement mes paupières le sourire aux lèvres. Les tressautements réguliers de mon siège me firent l'effet d'un ronronnement paresseux. Je ramenai mes membres engourdis au plus près de moi, quand j'entendis la voix d'Aren dans mon oreille :

« Je m'engage à être ton plus fidèle coussin durant toute la durée de ce voyage. »

J'ouvris la bouche pour le remercier, mais un marmonnement inaudible fut émis à la place. Ma tête se coucha d'elle-même sur son épaule. Jamais le trajet ne me parut si court.

Aujourd'hui le soleil peinait à se détacher des nuages. Le ciel avait cette teinte grise qui nous fait jeter un regard mélancolique d'une fenêtre, comme si ces nuages avaient le pouvoir d'écorcher notre cœur à vif et de noyer d'une sensibilité exacerbée nos émotions. Voir une feuille se détacher d'un arbre me donna les larmes aux yeux. Un bus emmena notre classe dans un circuit d'athlétisme pour le cours de relai vitesse. L'échauffement commença par de simples tours de piste. Je n'aimais pas vraiment courir. Une boule de plomb qui se débattait dans mon corps en ne demandant qu'à sortir. Voilà ce que je ressentais.

Bibliothèque de l'AventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant