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L'AUBE PALE
Janine Malaval
JanetValmy
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Elle s'était assoupie, réveillée subitement par le bruit du chariot de nettoyage que poussait

un préposé au visage rendu blafard par la lumière des néons. Il lui adressa un signe de

tête, s'éloignant d'un pas lent, ses sabots antidérapants sonnant sur le carrelage. Le silence

retomba, lourd et poisseux.

Hélène se redressa sur sa chaise, le corps endolori d'être resté figé dans une mauvaise

posture. Son regard fit le tour de la pièce aux murs aveugles, meublée d'une rangée de

chaises. Une salle d'attente sans âme aménagée au cœur d'un carrefour de corridors

blancs. Quelques magazines froissés, certains vieux de plusieurs mois qu'elle avait déjà

feuilletés, éparpillés sur une table basse. Face à Hélène, la grande aiguille d'une pendule

grignotait le temps, émettant un bref cliquetis métallique quand elle tressautait pour

franchir une minute. Hélène nota : sept heures moins le quart. Juste à ce moment, son

téléphone vibra dans sa poche. Il lui rappelait comme chaque jour qu'il était l'heure de se

lever, d'enfiler sa tenue de jogging afin d'aller courir le long de la rivière puis revenir

pour la douche et le petit-déjeuner. Elle bloqua l'alarme. Elle n'irait pas courir

aujourd'hui, pas en ce matin de Noël qui commençait pour elle de bien étrange façon.

Un sapin de Noël famélique décoré d'une guirlande fatiguée tentait d'apporter une touche

de gaieté dans cet univers aseptisé. Certains enfants allaient bientôt découvrir leurs

cadeaux, sous l'œil ému des parents. Des photos seraient prises sur les smartphones afin

d'immortaliser ces moments où les bambins se débattent avec les emballages dorés et les

ficelles récalcitrantes. La fête de Noël illuminait ce mois de décembre saupoudrant au

passage ses messages de paix et d'amour bien vite relégués derrière les fastes et

l'abondance d'une grande foire mercantile déployée à grande échelle.

Hélène ne partageait pas ce sentiment de liesse générale. Elle n'avait qu'une fille, Emma,

qui pour l'heure était aux mains de l'équipe médicale qui l'avait prise en charge derrière

une de ces portes à larges vantaux qui fermaient les couloirs.

Sept heures moins le quart, songea-t-elle en fixant la pendule. Cette même heure qui avait

semé le trouble dans son passé, le souvenir d'une ombre composée d'impressions

disparates, de petites touches jetées dans sa mémoire comme un tableau impressionniste.

En ouvrant les yeux ce matin-là, voilà plus de quinze ans, elle avait découvert l'enveloppe

sur l'oreiller d'Alain, un message laconique aussi bref que dévastateur. « Hélène, ne m'en

veux pas. Je pars. J'ai rencontré quelqu'un, ce n'est pas ce que tu crois. Quand tu seras

prête, nous en reparlerons. Je reviendrai bientôt pour t'expliquer. Dis à Emma que je

Bibliothèque de l'AventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant