Le commandant qui m'aimait - [CYNONARI]

Chapitre VIII bis : Collei

(Artiste : 파파제이, Twitter)

La pauvre Collei restait figée dans un coin sans oser bouger vers les deux jeunes hommes, bien trop effrayée d'interrompre leur conversation. Le fennec vert mine remarqua sa réticence du coin de l'œil, mettant en suspend l'invitation de Cyno, qui l'admirait d'un air dubitatif s'avancer vers sa nouvelle protégée.
Le métier de garde forestier obligeait Tighnari à se plier à des tas de vocations : jardinier, lorsqu'il réarrangeait les pots de fleurs fissurés ou disgracieux qui ne convenaient plus au riche marchand exigeant du port d'Ormos ; chercheur, lorsqu'il notait avec soin toutes ses observations dans son journal intime, illustrant toujours ses découvertes ; médecin, lorsqu'il pensait les égratignures causées par une mauvaise chute ou préparait des mixtures à base de plantes pour la toux incontrôlable d'un de ses confrères enrhumé ; parfois même lui arrivait-il de garder les rejetons intrépides de certains de ses collègues, non sans quelques plaintes bien formulées. Mais chacune des tâches qu'il se voyait confier, il les faisait avec le dévouement le plus sincère et rigoureux, n'osant admettre à chaque fois qu'il appréciait apporter son aide aux autres, d'autant plus s'il tenait à eux. Il n'eut donc pas une grande hésitation lorsqu'il se saisit de son conte d'enfance préféré et d'un cahier de dessin remplit de croquis de fleurs, les livres étant les seuls objets pouvant résister aux mains fugaces et dangereuses des enfants, il sortait toujours ces deux-là lorsqu'il venait à en rencontrer un, un réflexe devenu naturel par la force des choses. Il avait du mal à voir la jeune fille comme un bambin sournois, mais dans le doute, il préférait choisir la sécurité, de plus, elle semblait bien trop apeurée pour vouloir s'essayer à la création d'une couronne de roses sumériennes. Lorsqu'il lui tendit les deux ouvrages avec un petit sourire réconfortant, il put déceler des centaines de doutes traverser les pupilles limpides et serrées de Collei, émettant un brusque mouvement de recul, manquant de peu de renverser une colonne déjà bancale. Le Général Mahamatra voulut élever la voix mais l'expression inchangée de Tighnari l'en empêcha, intrigué par la suite des événements qu'il ne voulait interrompre, il se tue. Après plusieurs longues secondes de silence et d'attente, les petites mains fragiles et parsemées de cicatrices de la jeune fille se dirigèrent vers les livres qu'on lui offrait, non sans quelques tremblement, elle réussit finalement à les saisir, les ramenant furtivement contre elle, c'est à peine si le botaniste put entendre un « merci » faiblement murmuré, avant de rire légèrement face à la réaction de sa cadette.

« Cette fille... elle s'appelle Collei c'est ça ? »

Il s'accroupit délicatement, sans émettre le moindre souffle dans sa descente.

« Mon nom est Tighnari, je suis honoré de faire ta connaissance. »

Les iris magenta de la fillette aux cheveux verts émirent une fuite paniquée vers le sol, resserrant les deux recueils contre sa poitrine dans un mouvement concordé. Ses doigts grattaient nerveusement l'épiderme de son poignet, laissant de grosses traces rougeâtres sur leur sillon. Certainement prise d'une crise qui l'empêchait de communiquer, son corps entier se braquait sous le contact même éloigné de son aîné, le garde forestier n'insista pas et se releva, inquiet pour la nouvelle recrue.