Le commandant qui m'aimait - [CYNONARI]

Chapitre XXXI : Menteur

(Artiste : armian428, Twitter)

Amir peinait à reprendre son souffle, il devait s'être précipité vers la hutte de son supérieur dès qu'il avait entendu du bruit en sortir. Des perles de sueur se mélangeaient à ses larmes, et des grosses cernes violacées creusaient son visage qui rayonnait habituellement de bonne humeur. À la simple vue de son expression, Tighnari ne put empêcher son estomac de se nouer, il anticipait déjà ce qu'allait lui annoncer son collègue, mais devant ses sanglots et son ébranlement, il se décida à le devancer.

« Où est Collei ? Elle va bien ? »

Il observait les traits du garde forestier virer du soulagement à l'effroi. Il écarquilla ses yeux sombres en les plongeant dans ceux du fennec, tout en retenant son souffle après de longues bouffées d'air saccadées.

« Amir ? »

Son interlocuteur ne broncha pas, il avait la main crispée sur l'encadrement de sa porte, son corps commençait à trembler comme une feuille. Il ramena précipitamment ses doigts sur sa bouche pour étouffer un hoquet accompagné de pleures, il était plus fort que ceux qu'il avait laissé échapper en voyant son maître éveillé, il était plus inquiétant.

« Elle... »

Il peina à articula à travers ses gémissements et ses reniflements, mais il essaya au mieux de délivrer une réponse au chercheur.

« Vous devriez lire les lettres qu'ils vous ont envoyées... »
« "Ils" ? »

Il ne remarqua qu'à cet instant que son confrère tenait un paquet de feuilles dans son autre main libre, elles devaient être froissées à force qu'il ne les serre ainsi. De plus, le ciel gris de l'extérieur dégageait une humidité désagréable dans la demeure de l'hybride, elle devait aussi avoir impacté le papier. Malgré la réaction accablante d'Amir, l'habitant des lieux demeura calme et posé, il venait tout juste de sortir d'un long sommeil et ses idées n'étaient pas encore claires, il se tâchait de coller à son image habituelle de supérieur imperturbable. Il attendit silencieusement que son camarade s'avance vers lui et lui tendent les documents avant de s'angoisser, ce n'est qu'en touchant l'objet qu'il lui offrait que le botaniste eut la nausée et des vertiges. Il s'attendait à tout : que Dottore ait réussi à capturer Haypasia et l'ait ramené avec lui, que Collei ait péri à cause de l'eleazar, que le voyageur ne soit pas parvenu à achever sa quête principale à Sumeru... il y avait tant de possibilité, et pourtant, un seul nom tournait en boucle dans son esprit sans qu'il ne sache pourquoi.
Cyno. Cyno. Cyno.
Il brisa le sceau rouge sur la surface rugueuse, son collègue s'était retiré pour lui laisser un peu d'intimité et avait refermé le paravent derrière lui, soulignant le fait que Tighnari pourrait l'appeler s'il avait besoin de quoi que ce soit. Il déplia la lettre comme s'il s'apprêtait à faire exploser une bombe, son cœur cognait follement en lui et il n'entendait plus que son vacarme infernal. Il y avait en tout trois feuilles soigneusement rangées, il lut d'abord la première du tas avec une mine soucieuse. Ses pupilles s'arrêtèrent net lorsqu'il commença à parcourir les mots "avis de décès", il lui fallut un moment pour reprendre son souffle alors qu'il sentait ses poumons se contracter.
Quelqu'un est mort.
Ce n'était pas la première fois, il ne devrait pas paniquer, mais étant donné le comportement d'Amir, cette personne était relativement proche de lui, ce ne pouvait qu'être Collei ou... "du Général Mahamatra Cyno". Il laissa le papier retomber sur ses cuisses, le dos voûté. Le monde se dérobait sous lui et il chutait dans un espace qui lui était inconnu. Il ignorait comment il était parvenu à ne pas mourir dès qu'il avait vu cette phrase, comment son corps avait tenu le coup sous le choc et la tristesse qui le noyait. Des abîmes creusaient ses entrailles. Il n'y croyait pas. C'était impossible. Il relut plusieurs fois la phrase.
Avis de décès du Général Mahamatra Cyno.
Avis de décès du Général Mahamatra Cyno.
Avis de décès du Général Mahamatra Cyno.
Avis de décès du Général Mahamatra Cyno.
Avis de décès du Général Mahamatra Cyno.
Rien ne changeait, ni le nom, ni l'objet de cette lettre. Le sens gravé sur le papier demeurait le même. Il n'eut cependant pas le cœur de lire le petit paragraphe qui lui expliquait pourquoi il avait été contacté en particulier, et pourquoi il avait accès au testament de son conjoint, il ignora superbement les détails omis par l'organisation des matras qui lui avait communiqué l'information et se pétrifia de douleur. Il réussit à décaler la feuille pour examiner la deuxième, ledit testament.