Le commandant qui m'aimait - [CYNONARI]

Chapitre XXVII : Un voyageur venu de loin

Acte IV : La dernière flèche

(Artiste : kakyoriya, Twitter)

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Deux années s'étaient écoulées depuis le début de la relation qu'entretenaient Tighnari avec Cyno. Il aurait pu faire abstraction de toutes les contraintes et juste se contenter de décrire les merveilleuses soirées qu'ils passaient ensemble, les dîners qu'ils partageaient au moins une fois par mois ou les parties de cartes qui pouvaient durer jusqu'au petit matin. Néanmoins, la distance et l'impossibilité d'affirmer leur amour étaient deux choses qui lui pesaient sur la conscience. Le Général Mahamatra était rarement dans la forêt tropicale, et les rares fois où il y faisait intrusion étaient pour remplir des papiers administratifs. Il prenait toujours soin de rendre visite à Collei et son meilleur ami, bien entendu, mais les choses n'étaient pas aussi parfaites que le botaniste l'aurait eu espéré. Il attendait tous les jours avec une impatience qui se faisait ressentir même chez ses collègues une lettre de la part de l'homme aux cheveux argentés, il était capable de veiller une nuit entière en espérant apercevoir un fauconuit déposer un bout de papier sur le rebord de sa fenêtre. Ça en devenait ridicule, et il se le répétait souvent, comme si ses propres réprimandes allaient changer son comportement et faire de lui un individu totalement non fou amoureux du chef des matras. La veille encore, il avait à peine fermé l'œil de la nuit, bien trop agité et inquiet. Il n'avait cessé de se retourner encore et encore sur son matelas, il ne savait si c'était un moyen pour combler le vide que créait l'absence de son partenaire dans son lit, ou juste une réaction normale lorsque la personne à qui on tient le plus risque tous les jours sa vie en affrontant des criminels armés jusqu'aux dents. Dans tous les cas, son manque de repos le rendait encore plus irrité que d'habitude, et bien qu'il tâche de dissimuler ses cernes au mieux, son état mental ne pouvait pas être camouflé aussi aisément. Il n'avait pas le temps de se languir, il devait prendre soin de son apprentie qui était de plus en plus malade ainsi que de la siccité, un phénomène lié à l'infection de l'Irminsul, qui menaçait l'écosystème de Sumeru. Il avait bien trop lésiné sur ces principaux devoirs pour ne pas se sentir coupable, voir les écailles de l'eleazar parcourir chaque matin une plus grande surface de l'épiderme de son élève lui arrachait des hauts le cœur, et les arbres qui pourrissaient sous l'atmosphère oppressante du mal qui rongeait les bois n'aidaient pas. Le visage de Cyno demeurait ancré dans sa mémoire comme un sceau gravé au feu, mais ses responsabilités le brûlaient encore plus fort. C'étaient les premières pensées qui lui étaient venues lorsqu'il avait ouvert les yeux, éclairé par les lueurs vives de l'aube. À peine devait-il s'éveiller que déjà il se tourmentait. Il avait lourdement soupiré en se tirant du lit, traînant le pas vers le paravent pour le relever intégralement. Du haut de sa hutte, il était en capacité de surplomber une infime partie du paysage vert de son pays natal, ces quelques cimes lointaines ou coins d'eaux limpides restaient cependant une source de bonheur notable quand il les admirait. Il sourit faiblement en se préparant pour cette nouvelle journée, encore une fois, son sommeil avait été mouvementé, mais personne ne devait le savoir sous peine d'inquiéter inutilement ses collègues et ralentir son travail. Il consulta paresseusement son journal en se disant qu'il irait prendre son petit-déjeuner après, il n'avait pas très faim, et son plus grand souci était de savoir quelles tâches il devrait se coltiner aujourd'hui. Tout en parcourant ses notes, il s'attarda sur un certain nom qui lui parut étranger dans tous ses documents.
Haypasia.
Il se souvenait d'elle, c'était une chercheuse du Rtawahist qui faisait un stage à Gandharva pour sa "quête spirituelle". D'après ses données, il devait jeter un coup d'œil pour voir si tout se passait bien pour la jeune étudiante : il n'avait ni envie qu'on le blâme si elle mourrait de faim, ni que l'odeur d'un corps en décomposition ne vienne empester la forêt. Il se contenterait de faire une patrouille dans les environs avec Collei en passant vers la grotte où elle avait élu domicile, ça ferait amplement l'affaire. En attendant, il lui restait encore assez de temps pour répondre à la dernière lettre de Cyno, il doutait du fait que Ashpazi soit déjà réveillé pour lui cuisiner quelque chose, donc il s'accordait au moins le droit de se saisir de sa plume, et de laisser ses pensées voguer à d'autres occupations.