Chapitre XXIII : L'homme sans nom

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3 ans plus tard, Snezhnaya

Une silhouette sombre se découpait dans le paysage immaculé, elle avançait difficilement au travers des amas de neige qui engloutissaient ses jambes frêles. Une pluie de flocons s'abattait sur le corps déchu de l'individu, il courba son dos en espérant minimiser l'impact de la bourrasque, mais son visage fut tout de même rudement mouillé par les morceaux de gel. Il toussota sèchement pour dégager l'eau qui s'était infiltrée dans ses poumons, puis essuya sa bouche d'un revers de main. Il avait une tenue adéquate pour un environnement aussi hostile que celui-ci, néanmoins, on devinait qu'il n'avait pas l'habitude de voyager avec un climat aussi extrême. En dépit de son gros manteau en fourrure et de ses larges bottes en cuir, ses membres tremblaient comme des feuilles. Il dégagea avec difficulté l'un de ses pieds de la poudreuse pour l'avancer, et fit de même avec l'autre, jusqu'à finalement reprendre son périple en pleine tempête. Il serrait ses dents et se focalisait sur l'horizon flou délimité par le ciel gris et le sol blanc, seule sa détermination le brûlait suffisamment pour le maintenir en vie. Il appuya sa cape contre son torse et respira bruyamment, le simple fait de marcher lui coûtait beaucoup d'énergie et il n'avait pas mangé depuis quelques jours, impossible de trouver du gibier ou des baies dans un écosystème aussi mort, il se refusait à dévorer les cadavres de monstres qu'il parvenait à vaincre mais avait au moins le mérite d'avoir de l'eau à disposition tout autour de lui. Il y a un mois de ça, il était même tombé sur un campement de Fatuis qu'il avait annihilé jusqu'à la moindre cendre, le feu s'était éteint avant même qu'il n'ait le temps d'inspirer une seconde. Il était exténué mais en dépit de son état, son arc parvenait toujours à loger l'agonie dans le corps de ses adversaires, le sang des victimes tombées au combat couvrait toujours ses vêtements et rien ne le lavait complètement, il savait qu'en ôtant la vie à ces gens, il en serait imprégné jusqu'à son propre départ. La conscience ne suffisait plus, le bien, le mal, quelle était la frontière à l'heure actuelle ? Il l'ignorait, rien n'avait de nuance et tout était gris dans son monde, l'air qui l'étouffait était glacé comme ses pensées. Avancer était la seule option, il n'avait que ça en tête, et si un être se dressait devant, qu'il lui rappelait son passé ou l'attaquait, il le massacrerait. Tout en laissant ses doigts tremblants serrer un peu plus fort sa capuche pour qu'elle ne se déloge pas de sa tête, il soupira lourdement et grinça des dents en accélérant le rythme. Sa vision était floue et la tempête de neige si intense qu'elle formait un brouillard épais, des pins se dégageaient jusqu'au ciel, mais ils étaient les seuls autres acteurs de son jeu, en dehors des troncs sombres, nulle personne ne venait perturber l'écosystème désertique. Il crut être sur le point de s'évanouir et s'effondrer dans la poudreuse lorsque son regard vacilla, le paysage tourna plusieurs fois sur lui-même avant qu'il ne s'effondre le nez en plein dans l'amas d'eau gelée. Il avait mal, il souffrait énormément, mais il n'avait même plus la force de l'exprimer autrement qu'en observant avec deux yeux livides les flocons recouvrir ses membres engourdis. Il ne voulait pas périr ainsi, il voulait se relever. Mais plus rien ne lui obéissait. Mince alors. Il était si proche du but, il avait parcouru un si long chemin depuis sa terre natale, n'était-ce donc pour rien ? En se posant cette question, il abaissa doucement ses paupières lourdes. Il pourrait peut-être dormir un peu histoire de gagner une once d'énergie, après une courte sieste, il serait de nouveau en état pour reprendre son voyage. L'idée de somnoler était si agréable qu'il sentit son cœur s'affoler en lui. Il en rêvait depuis des siècles. Il se laissa donc aller à sa fatigue en s'imprégnant de la froideur du sol, ne distinguant plus que le noir derrière sa peau rigide. Au loin, un cri étouffé le fit tendre paresseusement l'oreille, mais il n'y prêta aucune attention. Il venait tout juste de commencer son avancée dans le monde des songes qu'il voyait déjà ses plus beaux souvenirs. Il n'était plus entouré de neiges et de sapins, la faim ne lui rongeait plus le ventre, il avait les pieds enfoncés dans la terre recouverte d'herbe, des centaines de fleurs multicolores s'étendaient à perte de vue devant lui. Il les contemplait avec deux pupilles étonnées, il n'avait pas vu de pétales authentiques depuis si longtemps que ça en devenait ridicule, ce champ était un paradis pour lui. Le soleil brillait dans son zénith, les lueurs orange du ciel réchauffaient son âme meurtrie, aucun nuage ne venait perturber la perfection de la voûte protectrice, et il sourit en le constatant. Il respira profondément pour retenir au maximum cette belle illusion, se retenant de peu de refermer les yeux pour sentir le vent tiède caresser sa peau. Il sursauta en sentant une main saisir la sienne, et par réflexe, il se détourna aussitôt vers l'individu qui venait d'apparaître à ses côtés. Il s'agissait d'un beau jeune homme aux cheveux argentés, ils étaient épais, ondulés, et partaient en épis dans tous les sens, on aurait dit une marée de diamants, elle volait librement au contact de la brise et recouvrait une partie de son visage basané. Son teint mat contrastait avec ses mèches claires, il portait les couleurs de l'étoile la plus brillante en lui, quelques cicatrices infimes étaient visibles mais même leur nuance ivoire ne perturbait pas l'harmonie de son corps. Il possédait deux iris d'un rouge intense, très ambré, qui mélangeait une palette entière de chaleur dans ses pigments, ils étaient fissurés par des pupilles fines comme celles d'un chat, cette forme atypique lui donnait un regard bien plus captivant que les autres, et son partenaire ne put s'en détacher.
Tellement beau.
Un sourire naquit sur les lèvres du nouveau venu, il était fragile, petit et timide, ils se rencontraient pour la première fois, il devait se sentir extraordinairement embarrassé. Ils enlacèrent leurs doigts ensemble et l'autre ne sut pourquoi ils rirent également en se contemplant. Était-ce vraiment une altercation inédite ? Sa mémoire ne lui jouait-elle aucun tour ? Il dégagea ses poumons de toute l'animosité accumulée par ses éclats de joie euphoriques, trop heureux pour se soucier du reste. Il s'en fichait éperdument et ne souhaitait plus penser aux vies qu'il avait arrachées ou à la neige qui devait l'ensevelir. S'il mourrait ainsi, il serait comblé. Il se jeta alors dans les bras du jeune homme sans hésitation et enfouit son visage dans son torse dénudé, il sentait bon, c'était un effluve familier, son cerveau l'assimilait déjà à une bribe de son passé. Il ne parvenait juste pas à savoir laquelle. Deux bras l'entourèrent avec une aisance suspicieuse, il fut bercé contre son compagnon sans réellement comprendre pourquoi, mais en s'abandonnant tout de même à cet instant de répit. Il se sentait comme à sa place dorénavant, plus aucun tourment ne le gardait éveillé. Il était tellement serein. Ce ne fut que quand la paume chaude de son partenaire caressa sa joue qu'il remarqua l'humidité qui inondait ses propres yeux douloureux, des larmes incontrôlables se déversaient sur lui tout en examinant le faciès affectueux de celui qui le surplombait. Pourquoi pleurait-il alors qu'il était si comblé ? Pourquoi une pointe de tristesse se faisait sentir même dans ce rêve parfait ? Il sanglota silencieusement en baissant son visage, il ne voulait pas être vu ainsi. Il s'extirpa de l'emprise de l'inconnu, puis s'éloigna de quelques pas en continuant de renifler.

Le commandant qui m'aimait - [CYNONARI]Where stories live. Discover now