Le commandant qui m'aimait - [CYNONARI]

Chapitre VI : L'aube d'un Général

(Artiste : ???)

Le lendemain Cyno avait toujours du mal à saisir pourquoi il avait été traîné de force jusqu'à Varana par un Tighnari qui répétait "ta faute", "ta faute", "ta faute". Sa mémoire remontait bien jusqu'à leur sortie du Foyer de Daena, d'où le fennec s'était extirpé avec une mine effroyablement rouge, les oreilles basses, la queue entre les jambes, les mains tremblantes, et les yeux écarquillés de stupeur. Le matra, soucieux de le déranger, n'avait pas désiré aborder le sujet qui le mettait dans un tel état, mais visiblement, le faire lui aurait épargné un tas de reproches amers, et une randonnée imprévue dans les montagnes abrupts de la forêt tropicale.
Soupirant de soulagement, l'adolescent à la peau basanée se laissa tomber au pied d'un arbre ridiculement gigantesque, aux racines noueuses, généreusement entourées d'arbustes de pêches Zaytun, que l'habitant du désert ne se fit pas prier pour saisir et croquer avidement. Un sourire béant se dessina sur ses lèvres lorsque le goût sucré du jus empli ses sens, des filaments fondaient sur sa langue et laissaient une empreinte acidulée sur leur passage, la chair dodue et tendre du fruit était délicieuse, lui donnant envie d'en dévorer des tonnes, il en était déjà à son cinquième lorsque l'apprenti botaniste fit irruption dans son champ de vision.
Il n'était pas comme à son habitude, maladivement réservé et relativement taciturne, toujours de bonne compagnie, loin d'être enclin à gaspiller son énergie inutilement. Il avait dû être piqué par une espèce encore inconnue car Cyno n'avait jamais vu une personne s'agiter autant avec un regard aussi fou, cerné par la fatigue et habité par un lueur terrifiante, une détermination inébranlable. Il remuait frénétiquement chaise brin d'herbe, chaque cailloux, peu importe, il avait prévu de retourner la superficie entière de la flore environnante, sans jamais s'arrêter pour respirer, encore moins regarder son acolyte. Ce détail commençait à frustrer le matra, se sentant entourloupé dans une manigance dont il n'avait aucun lien, ou du moins, il le pensait fermement.
Un gémissement plaintif et aiguë alerta l'habitant du désert, qui se releva précipitamment, allant voir son partenaire, recroquevillé sur lui-même, la tête coincée entre ses genoux.

« Je n'y arriverai jamais... »

Ses oreilles d'ordinaire fièrement dressées pendaient mollement sur son crâne, sa chevelure lisse et soyeuse dont, Cyno en était presque certain, il prenait toujours grand soin était en pagaille, et de nombreuses égratignures recouvraient ses bras et ses mains, faisant froncer les sourcils de l'adolescent, soudain inquiet de l'état alarmant de son ami.

« Que se passe-t-il ? »

Un visage avide de colère se tourna soudainement vers l'habitant du désert, un frisson glacée parcourant son échine, déchiré par les pupilles enflammées de son cadet.

« Toi. »
« Moi ? »
« Toi ! »

Les traits de Tighnari se plissèrent en une moue mêlée à un désespoir encombrant, qui furent les derniers éléments à définitivement perdre le matra dans la jungle qu'était le cerveau de son confrère. Il tenta désespérément de tapoter le dos de ce dernier, mais une main violente le repoussa, lui arrachant un rictus aliéné.
Le jeune fennec s'éleva de toute sa hauteur pour toiser Cyno, éberlué par toutes les actions qui venaient de se produire, prêt à le déchiqueter comme il savait parfaitement le faire, avec des mots et surtout, des mots très douloureux.