Un soir d'automne

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    Ça fait des jours que les préparatifs d'Halloween occupent la petite famille. Notre mère a confectionné des citrouilles avec des sourires tordus, lacérés au couteau qui leur donne des sourires étranglés, trop tordant. Elle nous a aidés pour les costumes, cette année, on sera déguisées en sorcière. Avec Paul, mon grand-frère, on est censés retrouver Thomas et Laëtitia, ses meilleurs amis. Ils ont deux ans de plus que moi mais avec Sophie, ma meilleure amie, on s'entend bien avec eux.

    On n'a pas réussi à se débarrasser de la petite sœur, elle est gentille mais Eline veut tout faire comme nous, elle n'a même pas dix ans. Et puis il faudra veiller sur elle. On lui a dit qu'elle aurait peur, c'est facile de faire la maligne en plein jour, au chaud à la maison, mais elle nous a promis qu'elle ne pleurerait pas, qu'elle n'aurait pas peur, elle l'a juré sur la tombe de Belzébuth. Elle n'y connait rien mais elle a juré quand même.

    Le soir arrive enfin, la nuit est tombée. Les costumes sont prêts, le maquillage est posé. On fait vraiment peur à voir.

    Le groupe déambule dans les petites rues de la commune, il n'y a pas grand monde ce soir, on dirait que les gens se sont calfeutrés. On doit leur faire peur. Notre stock de bonbons se limite à ce qu'on avait récupéré chez nos parents. On va déguster cela tranquillement dans le petit cimetière à la sortie du village. On sera tranquille. Sylvie dispose des bougies sur une des tombes les plus ravagées par le temps. Pendant qu'on prépare l'ambiance avant de se raconter des histoires effrayantes, Eline a disparu.

    Elle s'était éloignée du groupe pour voir si les grands le remarqueraient, elle souriait, constatant qu'elle était considérée et qu'on commençait à la chercher. Elle était blottie derrière une pierre tombale, à scruter, bien cachée pour observer les réactions. La comédie durait et le froid commençait à tomber sur elle, puis elle se dit qu'il était alors temps de revenir, elle se retourna, comme si elle se sentait observée, elle ne vit qu'un halo de lumière diffus dans un brouillard qui l'enveloppait. Discrètement, elle voulut revenir vers le groupe mais une force l'en empêcha, elle ne put crier à cause d'une main qui couvrit sa bouche. La peur était panique, le corps était tendue d'une force comme si ses petits muscles s'étaient tendus comme les cordes d'un instrument. Elle tenta bien de donner des petits coups avec ses poings et ses pieds, elle essaya de griffer mais elle était immobilisée par des bras qui l'entouraient. Elle devait s'imaginer des choses horribles... 

   Elle tenta quelques soubresauts et voulut reprendre son souffle mais ma main la serrait bien fort. J'avais perdu assez de temps à la chercher, elle allait comprendre que sa blague n'était pas drôle. Puis d'un voix caverneuse, rauque malgré moi à cause du froid, ou de la fatigue, je lui murmurai à l'oreille : "Tu sais maintenant ce qu'est la peur !"

   Elle fut prise d'une dernière secousse et elle feinta en ne bougeant plus, je la relâchai complètement, elle se laissa tomber entre mes mains et je l'allongeai au sol comme un linge sale. "C'est bon ?" ai-je demandé pour la rassurer, "tu peux te lever, allez viens avec nous." mais elle ne bougea pas, pas un mouvement, plus un souffle... 

Terreurs nocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant