Terreurs nocturnes

L'ennemie

     Ce devait être une soirée commune des vacances de la Toussaint, j'étais impatiente de retrouver mes amis que j'avais perdus de vue, depuis quelques temps. Le rendez-vous était au square, près des résidences les plus populaires. C'était le point de rendez-vous où après les cours, ils se retrouvaient pour boire et fumer. Ils parlaient de tout et de rien. Ils aimaient bien se trouver un bouc-émissaire. Ca tombait souvent sur moi. C'était pas méchant, quelques pics comme : "C'est vrai que t'es un peu conne aussi ! On dit ça mais en fait on dit rien !" "Mais c'est pour rigoler !" C'était censé être marrant, alors je faisais semblant de trouver ça drôle. "T'es trop susceptible !" me disaient-ils. Ils n'avaient pas tort dans le fond. Même s'ils me taquinaient, je ne sais pas pourquoi je continuais de traîner avec eux, peut-être parce que je craignais d'être seule. Amalia, Sophie, Thomas et Joffrey étaient déjà là. La bande des cinq inséparables étaient enfin réunies. 
« Complices à la vie à la mort ! » répétait-on. Ils ne croyaient pas si bien dire...

     C'était le moment de passer en revue les costumes et d'aller effrayer les passants. S'il y a bien un jour où on peut terroriser les passants, c'est bien ce soir. J'aimais pas du tout cette fête au départ. C'est le prétexte pour humilier les autres. Et puis, moi aussi j'ai décidé de m'amuser. Joffrey avait découvert les propriétés du latex, on avait bien ri quand ils nous avaient dit qu'ils manipulaient du latex. Amalia lui avait répondu : « En gros, tu joues avec des capotes ! » Ça avait fait bien rire les autres.
Amalia pouvait être moqueuse. Joffrey ne s'était pas vexé et avait aussitôt répondu que ça servait aussi de maquillage au cinéma pour confectionner de faux nez et  de fausses cicatrices, comme ceux qu'il avait créés. On était bluffés ! 
T'es déguisé en quoi avec ton pull rayé toi ? » avait demandé Amalia à Joffrey
- Attends ! Tu connais pas Freddy Krugger ?

- Mais si bien sûr ! Mais sans le masque et tes gants avec les lamelles de couteau, tu ressembles même pas à Chuky !

- Ouais t'es marrante ! Attends de voir. Et toi qu'est-ce que tu fais avec ta citrouille ? s'était défendu Joffrey.

- Je suis la marraine de Cendrillon !
- T'es sérieuse ? Répondit Thomas à qui, il n'était pas nécessaire de poser la question sur son déguisement. Avec son masque de hockey, ses amis connaissaient la référence au film Vendredi 13.
- C'est comme une sorcière non ? Se justifia Amalia.
- Pas du tout ! Répondirent ensemble les deux garçons.
- Et toi Sophie ? Tu l'as sort d'où ta sorcière ?
- Ah ! Dit-elle ravie qu'on lui pose la question. C'est la sorcière borgne dans le film Big Fish ! Tu sais la sorcière dont on peut connaître le jour de sa mort en regardant dans son œil mort !

- Ah ouais ? C'est quand l'heure de ma mort ? Fais-moi voir ! lui réclamaient-ils. Je leur aurais bien répondu que ce serait pour ce soir, mais j'aurais gâché la fête, il était trop tôt encore.

     C'était bien de se retrouver pendant les vacances et une excitation nous tenait, on savait qu'on nous regarderait de travers mais ce soir-là, on adorait ça. Le 31 octobre était préparé depuis des semaines. Après avoir tenté de récupérer un maximum de sucreries, nous prîmes la direction de la maison hantée.

     En fait, c'est plutôt une maison abandonnée située à la sortie de la ville. Il fallait marcher un moment pour rejoindre le village d'à côté et là encore après une dizaine de minutes, on traversait un petit sous bois devant une clôture en parpaings qui délimitaient une propriété échouée au milieu des arbres et feuillages qui avaient proliféré. La maison n'avait jamais été finie d'être construite. Pas de porte, ni de fenêtres, juste les fondations. Des graffitis recouvraient les murs, un canapé était posé dans le milieu de la pièce principale. Un escalier menait vers l'étage, un autre vers un sous-sol.