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2012, désert d'Azmar, point de vue de Malik, 17 ans.

Un bruit de moteur petaradant me tire de mon sommeil. Immédiatement en alerte, je me redresse et rampe à l'extrémité de la petite excroissance rocheuse où je nous ai abrité la veille avant de m'effondrer de fatigue.

Si on ne regarde pas trop attentivement, la paroi rocheuse devrait suffir à nous dissimuler, mais pour un oeil attentif... Ou pour quelqu'un qui cherche quelque chose... Notre cachette pourrait bien devenir notre tombeau... Doucement je secoue l'épaule de Safia sans succès. Inquiet, je la secoue plus vigoureusement mais elle reste inconsciente... Bon sang. Il ne me faut que quelques secondes pour comprendre... Elle est profondément déshydratée ... L'eau qui semblait ne pas s'épuiser dans la bouteille... Sa bouche cartonneuse, ses traits tirés, sa peau froide en plein désert... Autant de signes qui auraient dû m'alerter. Mais j'ai tout mis sur le compte des circonstances particulièrement violentes de notre rencontre pour expliquer son état ... Mais pourquoi n'a t-elle pas bu?
La solution me saute au visage... Pour me donner une chance. Les moteurs a proximité me donnent à craindre de ne pas avoir été à la hauteur de son sacrifice...  Je la secoue encore et ses paupières se soulèvent à peine.
"- bois trésor"
Elle est inconsciente encore mais j'humidifie un peu sa bouche en priant le ciel de lui accorder sa protection. Ses lèvres remuent faiblement et je fais couler un mince filet d'eau à travers. Ça ne suffira pas. Il nous faut de l'aide... La découverte de la grotte m'indique que je suis sur la bonne route. Il me reste quoi? Dix ou quinze kilomètres à parcourir à pied avant d'arriver au village. Trois ou quatre heures à marcher a bonne allure si personne ne me trouve avant. 

Si tant est que les nomades soient présents, ils pourront nous apporter leur aide... Si ils sont absents, c'est notre arrêt de mort que nous venons de signer. J'arrange la petite dans un coin de la grotte, je lui fais reprendre une gorgée d'eau, j'en prend une également puis je la dissimule comme je peux. Je n'ai plus le choix. Si je veux nous donner une chance, je dois la laisser là et partir seul. Je m'élance et remonte la dune rapidement. Je jette un oeil par dessus la crête et je ne distingue pas les véhicules. Ils doivent être de l'autre côté de la dune qui me fait face. J'avance donc en longeant la crête de façon à être toujours dissimulé.

La chaleur du soleil me cuit la peau, me fait transpirer à grosses gouttes tandis que mes blessures des jours précédents me lancent avec dureté mais je continue mon périple pour la vie, les dents serrées. Au bout de deux heures, mes membres sont engourdis, perclus de crampes, un mal de tête lancinant me percute les tempes chaque seconde, la soif menace de me rendre fou tandis que mon cœur et mes poumons semblent vouloir quitter ma cage thoracique... L'insolation. Couplée à une déshydratation et une sous-alimentation, aux coups et aux mauvais traitements, au manque de sommeil et au stress, je calcule le temps qu'il me reste avant d'être terrasse. Je ne peux pas faiblir avant d'avoir atteint le village sinon kinziun sera perdue... Les moteurs semblent de rapprocher. Rien ne semble pouvoir me dissimuler et même si je m'enterre dans le sable, mes traces de pas les conduiront invariablement à moi... J'accélère le pas, bien que me sachant perdu...

Un quatre quatre noir dépasse la ligne de crête et j'aperçois au volant, un homme enturbané, accompagné de deux autres personnes, armées d'un fusil.
J'adresse une pensée à la petite recroquevillée dans la grotte. Elle mourra de soif... Personne ne la trouvera mais au moins, elle échappera aux atrocités auxquelles elle était promise.
Le véhicule change de cap et se dirige vers moi. Un des hommes saute au bas du véhicule et s'avance vers moi, tandis que je glisse la main dans mon dos.

Série: L'otage. Tome 2. la sauveuse du CheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant