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Kaysersberg, décembre 2022. Point de vue de Safia.

Ça sent bon.
C'est la première chose qui m'est venue à l'esprit en reprenant connaissance. Mes yeux ont papillonné doucement pour s'habituer à la douce lueur qui nimbait les lieux. Tout était blanc, chaud et cotonneux. Rien à voir avec ma chambre à New York.

New York...
Les souvenirs vinrent me frapper immédiatement.
J'avais pleure longtemps, la veille, et Malik avait fini par m'envelopper contre lui pour m'apaiser. Sans que je m'en rende compte, des hommes avaient préparé une petite valise et il m'avait fait descendre dans le hall.
Mes "amis" étaient bien partis. Un véhicule protocolaire nous attendait et nous avait conduit à l'aéroport. Je n'avais pas posé la moindre question.

Je m'étais endormie quelques minutes après le décollage et réveillée par la fraicheur du vent sur ma peau. Mes yeux avaient cligné et j'avais senti la prise sur mon corps se resserrer.
"- dors encore, il nous reste du chemin" Mon mari me portait sur le tarmac d'un aeroport et quelques instants plus tard, nous nous sommes engouffrés dans un autre avion plus petit que le précédant. J'avais encore somnolé une bonne demi-heure avant que nous atterrissions à Strasbourg en pleine nuit.

Strasbourg.
J'ignorais que je me trouvais en France. Quelle drôle d'idée avait eu Malik pour me trainer jusqu'ici après le mauvais coup qu'on venait de me faire?
Une nouvelle voiture officielle nous attendait et on nous conduisit avec dextérité, malgré les cols difficiles à la circulation et la neige encore présente au sol, vers un petit village niché  dans une vallée inquiétante, telle quelle était, ainsi plongée dans la nuit. Malik m'entraîna par la main vers le village encore endormi jusqu'a un hôtel local. On nous guida avec déférence vers une chambre et Malik me glissa rapidement dans le lit. Je m'endormais avant même d'avoir touché l'oreiller.

C'est ainsi que j'étais arrivée ici...
"- bien dormi mon trésor?"
Je jetais un coup d'œil peu amène à mon mari qui était installé devant la table du petit déjeuner, lisant un journal français.
Sans grâce, je m'extirpe du lit et vient me mettre à table. C'est donc de là que vient l'odeur ? Un mélange de sucre et de beurre embaume toute la chambre. Sur la table. Un panier rempli de petits bonshommes briochés me fait de l'oeil.
"- ce sont des manalas" m'informe Malik. "des sortes de brioches en forme de bonhomme qu'on donne aux enfants entre saint Nicolas et Noël en Alsace. Tu peux le tremper dans ton chocolat chaud..."

Je me remplie l'estomac sans lui répondre. Je n'en ai pas envie.
"- ce matin, nous allons visiter un château. Le haut koenigsbourg... Il a servi d'inspiration a plusieurs sagas célèbres et je pense qu'il te plaira."
Je le laisse faire et il m'entraine toute la matinée au cour d'une visite privée du lieu. Il y a quelque chose de romantique dans ces pierres anciennes qui se dressent en forteresse et dans les meubles patinés par le temps qui le peuple. Le froid est saisissant et a chaque fois que je frissonne ou que je montre des signes de gêne, mon mari m'enveloppe dans son bras.  Nous revenons ensuite dans la région de Colmar et mon mari m'entraine dans une ferme-auberge où on nous sert un repas délicieux,une quiche au munster, un plat a base de pommes de terre cuites dans du beurre gratinées au fromage, de viande de boeuf lentement mijotée, un assortiment de fromage et un munster du jour, ce qui ressemble à une sorte de fromage blanc, assorti de glace aux myrtilles.

Malik et moi nous calons dans nos sièges, repus et épuisés par ce repas gargantuesque. Il m'adresse un gentil sourire et j'oublie à quel point je suis fâchée à cet instant.
Un véhicule nous fait redescendre dans la vallée et il m'emmène visiter une boutique de Noël adorable qui me donne envie d'acheter toutes les petites décorations exposées!

Finalement, nous sommes de retour dans le village où nous logeons: Kaysersberg. La nuit commence à tomber doucement et Malik ajuste mon bonnet et mon écharpe avant de prendre ma main pour aller visiter le village. Machinalement, il cale ma main dans la poche de son manteau tandis que nous nous baladons.
Le rouge me monte aux joues et je remercie machinalement l'association du bonnet+écharpe qui cache une bonne partie de mon visage cramoisi.

Tout est si mignon! Les façades decorees de guirlandes, la musique de Noël qui s'egraine dans les ruelles, les illuminations... Arrivés près de l'église, Malik me fait bifurquer dans une petite ruelle où sont installées de petites cabanes en bois et où on vend un tas de petites choses pour préparer les fêtes. Malik revient avec deux gobelets de jus de pomme tiède, agrémenté de miel et d'épices, puis il prend un cornet de marrons et finit par m'acheter un bretzel gratiné dans lequel nous croquons à tour de rôle. Quelques achats plus tard, nous remontons lentement vers l'hôtel.

"- merci"
"- de quoi kinziun?"
"- d'avoir fait en sorte que je me sente comme ... Une épouse normale... Une vraie épouse..."
Malik incline la tête devant moi, l'air interrogatif et pour échapper à son regard, je me loge contre son torse...

Série: L'otage. Tome 2. la sauveuse du CheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant