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Point de vue de Malik.

Je sens Safia qui arrache sa main a la mienne et je me retourne un bref instant, pour la récupérer quand je la vois dans mon dos, le corps soulevé dans les airs, tragiquement sublime dans la pâleur laiteuse de la nuit qui éclaire nos pas dans le sable. Une gliclee de sang est projetée et atteint mon visage, tandis qu'elle s'effondre à mes pieds. Je comprends. Elle s'est placée sur la trajectoire de la balle. Alors que je hurle son nom, Youssef abat le tireur d'une seule balle. L'instant d'après, le desert recouvre un calme parfait.
Le seul son, c'est ma voix qui psalmodie son nom.

"- demandons évacuation, Amira récupérée mais lourdement blessée. Prévoir intervention chirurgicale urgente"
"- laisse moi voir Malik"
"- Safia ? Safia!!"
"- il faut comprimer sa plaie"
"- l'helico arrive votre majesté"
"- palais attaqué"
"- Minah s'en occupe"
Elle est là, inconsciente dans mes bras, se vidant de son précieux liquide vital tandis que je prie Dieu d'accorder à Safia sa clémence et de lui permettre de vivre. Je jure de lui offrir un bonheur parfait et éternel si il m'accorde cette chance.
Le temps est suspendu, en attendant que la balance penche d'un côté ou de l'autre. La mort ou la vie.
"- je t'aime mon tresor. Kinziun. Sois forte. Tu es si courageuse. Ne me lâche pas. Ne m'abandonne pas. Toi et personne d'autre. Toi et moi contre le reste du monde."
Le médecin arrive à mes cotes. En quelques secondes, elle est prête pour le chargement et on nous évacue de la zone ravagée, Assan, Safia et moi. Yous' et Ahmed restent nettoyer la zone.

On me parle mais je ne suis pas capable d'entendre. D'imprimer la moindre information dans mon cerveau. De prendre une décision. Mon monde est suspendu à sa vie. Elle s'est sacrifiée. Encore. Et malgré tout. La tête couchée en travers de ses cuisses, sa main dans la mienne, je prie, supplie, psalmodie son nom. Rien d'autre ne peut m'atteindre. Au loin les lumières de la ville. Bientôt la descente à l'aéroport. Et les deux civières partent sans moi.

Pendant que je liberais Safia, une attaque terroriste avait visé la capitale et particulièrement le palais. C'était donc ça le plan. M'attirer ailleurs, mobiliser mon armée et attaquer le centre névralgique du pays. C'était sans compter sur les hommes de Minah qui aterrissaient à l'instant exact où les premières bombes explosaient. Ils avaient bouclé la ville et resserré la souricière autour du palais. La rébellion avait été étouffée avec l'arrivée de l'armée d'azmar et les dégâts étaient somme toute minimes. Quelques blessés étaient à dénombrer, et des morts, mais seulement du côté des attaquants.

En triant les cadavres au petit matin, on avait trouvé celui de Jaffar. Personne ne serait la pour le pleurer. Une dizaine d'hommes avaient été fait prisonniers. Assan était vite sorti des urgences, sa blessure à la jambe étant sans gravité.

Et moi je tenais la main gauche de Safia depuis trois semaines, tandis que Yas' tenait la droite. Amir avait assuré l'intérim pendant tout ce temps. Je n'avais pas dit un mot. Aucun son n'avait pu franchir mes levres depuis qu'elle était partie au bloc. On venait me donner des nouvelles. M'informer de la reprise de la ville. Me présenter des voeux d'amélioration de son état. Je me contentais de regarder d'un oeil noir ceux qui s'aventuraient à tenter une conversation. Yasmine avait compris. On ne se parlait pas. Elle venait chaque jour, s'asseyait, parler avec Safia et repartait vers 18h.
Moi je restais avec ma femme. On m'avait propose un lit voisin. Regard noir. Je ne lacherais pas sa main. Je dormais assis sur ma chaise, le visage enfoncé dans sa couverture. Point. Je passais mon temps à la contempler et à adresser mille prières intérieures pour elle.

Série: L'otage. Tome 2. la sauveuse du CheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant