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2012, désert d'Azmar, point de vue de Malik, 17 ans.

Un des hommes saute au bas du véhicule et s'avance vers moi, tandis que je glisse la main dans mon dos.

Mes doigts effleurent le métal glacé de l'arme. J'ai à peine le temps de me faire la réflexion que c est étrange, de ressentir le froid au beau milieu de ce désert brûlant, que je suis mis en joug par l'homme qui a sauté de la voiture.
Et là... Une vague de soulagement incroyable me balaye. Cet homme. C'est Youssef. Une larme jaillit de mon oeil et j'arrache mon keffieh de fortune pour me dévoiler à mon ami. Mon frère.

Youssef et moi avons été élevés ensemble au palais. Son père était notre chef de la garde avant de trouver la mort dans l'exercice de ses fonctions. J'avais sept ans. Il en avait à peine un de plus. Sa maman et lui sont venus vivre au palais et il venait en cours avec moi, nous nous entraînons ensemble... C'est devenu mon meilleur ami. Depuis quelques mois, il avait commencé un entraînement special au sein de notre armée. Son but avait toujours été de prendre la relève de son père et le roi - mon père - lui avait promis cet honneur s'il s'en montrait digne.

"- Malik mon frère!" Et soudain, il posa le genou à terre et son poing sur son coeur. "Je te reconnais mon cheikh"
Les autres hommes l'ont imite et à cet instant, j'ai pris la mesure de la charge qui me revenait, tour à la fois que je réalisais que je ne reverrais jamais plus mon père. J'ai foncé vers lui et nous nous sommes étreints comme des enfants.
"- Safia..."
"- Safia?"
"- j'ai emmené une petite avec moi... Elle est dans un état... Je ne pouvais plus la transporter ... Elle est à la grotte rupestre a 2-3h de marche..."
"- on ira la chercher plus tard, pour l'instant..."
"- maintenant!"
"- Malik ton état..."
"- pas de discussion... Elle va mourir si je ne vais pas la chercher..."

Lorsque nous l'avons retrouvée, elle était molle comme une poupée de chiffon, les yeux aux longs cils noirs clots, la peau blanche et froide,  vision surréaliste dans cet enfer brûlant. Un des hommes a réalisé une perfusion que nous avons pendu a la poignée de maintien de la voiture, avant de reprendre la route très vite, tandis que je la gardais, blottie dans mes bras.

"- comment m'as tu retrouvé Youssef"
"- on a su pour le massacre au palais assez vite... La garde a fait le ménage parmi les partisans de Jaffar très vite et des tribus bédouines ont fait remonter des incidents aux services de renseignement. Plusieurs incidents avaient été recensés dans la région de l'oasis perdue. Des enfants disparus, des vols, il y avait donc quelque chose de louche dans le coin...puis l'apparition de chevaux errants... une équipe a trouvé un village abandonné récemment. Je me suis dit que si tu étais lié à ça, alors ta destination suivante, si tu en étais sorti vivant, c'était le douar le plus proche. Nous avons quadrillé l'axe entre les deux zones et nous sommes tombés sur toi ..."
"- hé bien ... Je dois te remercier... "
"- cette petite... On peut l'accompagner au douar pour que les femmes du village s'en occupent... On ne peut pas l'emmener en guerre avec nous..."
"- tu as raison... Mais je ne sais pas si j'arriverais à la confier à qui que ce soit..."
"- quoi? Ce n'est pas comme si..."
"- elle m'a sauvé la vie ..."
"- Malik?"
"- elle m'a fait confiance, elle a pris des risques, elle a même fait le choix de se sacrifier... Bon sang... Je ne connais personne d'aussi téméraire et vertueux... surtout a un si jeune âge... Elle n'a que sur moi sur qui compter... Si je la laisse..."
"- tu la sauves a ton tour. Elle sera a l'abri, le temps que tu acheves cette guerre, et ensuite, nous viendrons la chercher..."

Série: L'otage. Tome 2. la sauveuse du CheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant