DELT∆ I Journal d'un Système

Cas n°1 : Antoine

Rappel : Ce 1er cas est une application pratique qui montre comment une personne valide invente sciemment un Système TDI afin d'expliquer pourquoi il est important de différencier ceux qui font exprès ou non... il ne fait pas ça pour la gloire comme la plupart pourraient le fantasmer mais dans une démarche artistique saine, c'est un auteur voulant écrire sur le sujet.

C'est l'occasion pour moi de remettre ma casquette d'auteur... pas comme si je l'avais enlevé vu que ce Journal de Système est une forme d'écriture mais ma passion concerne les romans. J'écrirais comme quand j'écris mes romans, peut-être même ma seule chance de vous montrer que si je voulais simuler des alters très différents, j'en ai les capacités.

Inventer le TDI n°1 :
Le cas d'Antoine

La boue s'infiltre dans les rainures de mes chaussures et je grimace : foutu mois d'Octobre ! Au début de l'automne, on est heureux et excités... Septembre est l'occasion de redémarrer sur des meilleurs bases alors on est méga motivés et on achète pleins de calendriers car c'est décidé, cette fois-ci on sera or-ga-ni-sé. On planifie une morning-routine et du sport et des valeurs saines... tu parles ! Octobre, c'est la vie qui te rattrape par une lassitude généralisée dans les transports en communs et ta gorge gratte un peu, d'ailleurs. Tu observe d'un œil morne ces gens fatigués qui reniflent dans les transports en commun, fixant le vide avec des cernes qui anticipent la nuit qui tombe de plus en plus tôt dans le froid mordant de l'hiver, vive le vent et v'là le rhume et les épidémies. Il pleut alors tu dérape sur une flaque comme un con et la boue s'infiltre partout en toi. Trempé jusqu'aux os, tu grimace et tu te dis : foutu mois d'Octobre !

Ma clé glisse sur le métal de la serrure, tsss. Je lève les yeux au ciel : même les objets insignifiants se foutent de ma gueule... tu parles d'une vie. J'ai réalisé mon rêve d'enfance et je suis un auteur publié mais j'ai moins l'air d'une célébrité sur les tapis rouge qu'un poivrot au chômage vaguement sur un projet, si si, j'te jure que j'ai un vrai boulot mais je cogite, tu vois ?! Ha, ha. Quelle blague. Les lettres de refus s'entassent sur ma table basse, c'est surtout ça ma vie... j'écris et des gens mieux payés que moi jettent mes mots à la poubelle.

Le plus dur, je crois que c'est continuer malgré tout. Contre vents et marrées, observer d'un œil amer ces centaines de gens refuser mes textes avec l'envie de se foutre en boule et pleurer comme un enfant dans un coin... c'est ma vie, mon œuvre qu'ils rejettent, j'en ai chié du sang pendant des mois ! Ouvrir laconiquement mon ordinateur, fixer le vide en buvant parfois car ouais, ma vie a des relents de pilier de bar et réinventer d'autres personnages pour de nouvelles aventures comme si tout allait bien. Aller, Antoine... tu peux le faire, tu l'as déjà fait, tu peux tout surmonter. C'est ta vie, ton rêve. Ta galère.

J'ai vu un reportage l'autre jour... ça fait deux semaines que je me renseigne et je tiens quelque chose, j'ai la sensation que ça pourrait le faire. Ce chef d'œuvre tant attendu : plusieurs personnalités dans un corps, on appelle ça le TDI. Je n'ai plus qu'à inventer ces personnages et la raison de leur existence puis je l'écrirais, ce livre qui me mettra à l'abri. Un coin agréable de célébrité où j'écrirai en paix la suite... déjà publié d'emblée, mon talent enfin reconnu.

Mmmh... je voudrais un clown. Bien sûr, je veux prendre ce trouble et les malades au sérieux mais je ne souhaite pas non plus m'appesantir dans un texte triste, plutôt quelque chose sur le fil du rasoir entre le tragique et le comique. Quelque chose de parfaitement injuste et cynique. Un clown... il incarne "l'alter social" comme on dit. Il pourrait venir d'une pression sociale, justement : "souri un peu, arrête d'être aussi maussade et vas parler aux gens". Ce genre de paroles très répandues surtout chez les adultes et qui peuvent être dévastatrices pour un enfant... surtout si son esprit est déjà fracturé et fragilisé à ce moment là. Oui, c'est bien, ça !