Chapitre 16: Une matinée inattendue

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Comme tous les matins, j'avais attendu que Martha sorte de chez elle, mais elle ne s'était pas manifestée. Tout en regardant l'heure qui défilait dangereusement, je pris seul le chemin du lycée en ne pouvant pas m'empêcher de poser un regard furtif vers sa fenêtre, dont les rideaux étaient encore tirés.

La matinée m'avait parut bien longue et morne. Mes prises de notes étaient illisibles, contrairement à mes pensées bien claires à présent. La sonnerie retentissant enfin, je suivis la foule dans les couloirs, guidée par les odeurs alléchantes du déjeuner. Tout en m'installant à la table habituelle que j'occupais à la cafétéria, j'écoutai les bavardages environnants avec l'espoir d'entendre la voix chantante de mon imprégnée. Mais elle n'était pas venue. Je l'imaginais alors, emmitouflée dans un gros pull bien trop grand pour elle, tenant un pinceau entre ses doigts et ... le reposer devant sa toile vierge. Elle était incontestablement dans l'incapacité d'imaginer quoi que ce soit. Peut-être même, se demandait-elle ce qui pouvait réellement exister?

Le lendemain, elle n'était pas non plus venue au lycée. Tout comme les jours suivants. Mais je n'étais pas inquiet. Paul m'avait apprit qu'elle ne le fuyait pas lorsqu'ils dînaient ensemble. Malgré quelques regards perplexes et incrédules, Martha continuait d'être elle même, bien que son débit de parole se soit quelque peu appauvrit et qu'elle feintait une maladie imaginaire. Martha ne sachant pas mentir, Paul avait devancé son père en appelant le lycée pour les informer qu'elle avait une simple grippe, laissant un Joe attristé de ne pas avoir pu ouvrir son dictionnaire médicale pour pimenter un peu ces maladies récurrentes et ennuyeuses. Quant à moi, je veillais chaque soir sur elle et constatais qu'elle s'était remise à peindre progressivement. Ses premiers coups de pinceaux m'étaient apparus hésitants, indécis, jusqu'à ce que, à la fin de la semaine, elle se mette à peindre avec ardeur. C'est alors que j'étais rentré chez moi à l'aube de ce samedi matin en espérant trouver le sommeil. Résolu à me manifester face à elle d'ici quelques heures, en lui laissant le choix ou non de me laisser entrer dans sa demeure, je laissais mes yeux se fermer et mes pensées se perdre dans un sommeil agité.

Cela faisait des années que je n'avais pas été réveillé par des éclats de voix en provenance du rez-de-chaussée. Tout en me redressant, encore à moitié endormi, j'entendis toutefois bien distinctement chaque protestation que Leah adressait à notre mère. Leah n'avait pas baissé les bras. Obstinée comme elle était, elle continuait depuis maintenant plus d'un mois à chercher le moindre indice concernant notre existence. Mais plus le temps passait, et plus les quileutes concernés par notre secret se sentaient mal à l'aise face à ses questionnements dérangeants. Certaines choses méritaient de ne pas être pensées, pour le bien être de tous. C'était du moins ce que nous rappelaient nos aînés. Mais comment ne pouvions-nous pas nous en inquiéter? Que se passerait-il si l'un de nous rencontrait une meute étrangère? Serions-nous ennemis, ou allier? Comment vivaient les loups solitaires, bien loin de nos terres et qui ne connaissaient rien de nos légendes? Désarçonnés par qui ils étaient, seuls, affaiblis mentalement malgré leurs puissances, mourraient-ils irrémédiablement entre les mains des vampires avoisinants? Entre doute et désolation, aucun de nous ne savait quoi faire, ni même plus quoi penser.

Alors que je m'habillais, j'entendis Leah fulminer avant de claquer la porte de sa chambre, tout comme elle s'évertuait à le faire si souvent il y a des années. Sa chambre, son antre, sa forteresse, son cocon. C'est vers cet endroit que je dirigeais mes pas avant de frapper doucement sur le bois de sa porte.

- Je n'essaye pas de compenser mon mal-être en m'occupant à autre chose, annonça-t-elle blasée.

Prenant sa réponse pour une invitation à entrer, j'ouvris doucement la porte et tombais nez à nez avec elle, les bras croisés, signe que cette conversation allait vite être avortée. Mais contre toute attente, elle laissa ses bras retomber le long de son corps avant de souffler.

Rumeurs - Seth ClearwaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant