Chapitre 12: Un trésor malmené

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Le ciel pleura durant tout le mois d'octobre, alors, le soleil se fit tristement timide en allant se cacher derrière les nuages. Malgré tout, on pouvait entendre les rires et la joie de vivre des habitants de la Push, à l'exception de Paul qui vociférait chaque jour en slalomant entre les décorations d'Halloween que son père et Martha avaient soigneusement installé dans leurs jardins. Je m'étais surpris à envier cette complicité qu'ils avaient tous les deux. Charlie était quelqu'un que j'appréciai, mais nous n'avions pas grand chose en commun et il trouvait sûrement plus de confort à se perdre dans ses pensées plutôt que de les partager.

Martha n'avait jamais fêté Halloween. Comme à son habitude, elle était restée évasive et s'était seulement autorisée à m'avouer que ses parents trouvaient cette coutume inutile. Pourtant, Erana n'avait pas l'air de détester l'état de son jardin surplombé de tombes, de citrouilles, de chauves souris et d'araignées géantes. Caché dans les fourrés, ma fourrure alourdie par les gouttes d'eau, je constatai une nouvelle fois qu'Erana remettait en place certaines décorations avec un sourire attendri. Alors que j'essayai une nouvelle fois de chasser mes questionnements et mes théories infondées, je sentis mon cœur s'alourdir. Au fond de moi, je savais qu'Erana n'était pas le problème et qu'il était fort probable que son ex-mari soit le monstre auquel Martha avait fait référence. Mais étrangement, j'avais du mal à l'envisager. Dans mes souvenirs, le père de Martha était un homme bienveillant, aux yeux verts rieurs et au visage chaleureux. Alors qu'elle me parlait souvent de ses proches, elle ne mentionnait jamais son père, Borir Pétursson, ni même sa famille paternelle qui résidait au-delà du continent.

Tout en reposant ma tête lourde sur le sol rafraîchissant, une vision désagréable s'accapara de mon esprit. Un homme venait d'entrouvrir la porte de chez lui en ne laissant apparaître qu'une partie de son corps. Ces yeux verts bienveillants n'étaient pas ceux dont je me souvenais. Ils étaient injectés de sang. "Lysandre et Martha sont ici?" avait demandé timidement une voix d'adolescent. L'œil droit de Borir avait tremblé. "Elles sont punies", avait répondu ce dernier tout en portant ses doigts sur ses tempes. "Jusqu'à quand?" avait questionné l'adolescent avant que le père de Martha ne ferme la porte sans lui donner de réponse. Ce souvenir s'arrêta et seule la brise se fit entendre.

"Paul?" appelai-je.

"Qui d'autre?" râla-t-il.

Même si son comportement me navrait, mes interrogations étaient si intenses que je fis abstraction de sa réponse agaçante et pourtant si récurrente.

"Pourquoi est-ce que tu ne m'a jamais parlé de ça?" demandai-je irrité.

"Parce qu'il n'y a rien à dire".

"Ne t'enfuis pas!" le provoquai-je en sentent son désir de rentrer chez lui.

"Qui est-ce qui fuit, Seth?! me réprimanda-t-il en me renvoyant le souvenir de mon souhait évoqué chez Sam lorsque je les avais imploré de cacher la vérité à Martha. Elle te connait, elle t'apprécie, alors tu attends quoi pour le lui dire?!"

Elle m'apprécie, et ça s'arrête là, pensais-je pour moi-même, blessé.

"Comme si tu faisais quelque chose pour changer ses sentiments".

Paul venait de toucher un point sensible. Plus d'une fois, j'avais voulu inviter Martha à sortir, mais à chaque fois que je m'apprêtais à le faire, je redoutais son refus et mon cœur en était brisé rien que d'y penser. Paul avait raison. Je fuyais. Entremêlé à ma tristesse, je sentis le poids de la culpabilité s'imposer.

"On fuit tous quelque chose, dit-il en guise d'excuse qu'il était incapable de formuler véritablement. Tout ce que je voulais, c'était muter et ne penser à rien, mais tu ne faisais que penser à Martha. Je n'ai pas voulu repenser à ce souvenir car dès qu'il s'impose à moi, ça me rend fou, tu comprends? J'aurai dû voir qui était ce type! J'aurai dû voir qu'elles étaient malheureuses! J'habitais juste à côté! Je les voyais tous les jours! Alors oui, je fuis mon impuissance, mais je ne peux rien faire pour changer ce qu'il s'est passé. En revanche, je ne fuis pas le présent et je fais de mon mieux pour la rendre heureuse. Et toi, Seth, tu ne fais que le strict minimum!" ne put-il s'empêcher d'ajouter avant de s'effacer de mes pensées.

Rumeurs - Seth ClearwaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant