Chapitre 13: Petits chiens

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J'avais eu quelques difficultés à canaliser l'excitation de Martha. Telle une enfant impatiente, elle avait eu bien du mal à concentrer son attention sur autre chose que sur son costume, mais Emily n'étant pas disponible avant le lendemain, nous avions passé le reste de la matinée à regarder ses dessins animés préférés. Tout en constatant la bonne humeur de sa fille qui chuchotait les dialogues et qui chantait à tue-tête, j'avais vu le visage de sa mère s'apaiser. Sûrement reconnaissante, elle m'avait accueillit durant l'heure du déjeuner et nous avions continué à passer l'après-midi devant la télévision.

Le lendemain, alors que je conduisais jusqu'à chez Martha, je m'étais surpris à fredonner la chanson de la Belle et la Bête. Elle qui aimait tant ce Disney, je me plaisais à imaginer son regard amoureux posé sur le loup que j'étais. Toutefois, si lui avouer qui j'étais n'était pas un problème, lui révéler l'aspect de l'imprégnation m'effrayait. Elle m'appréciait seulement comme un ami, ne pouvais-je m'empêcher de me désoler. Mais elle était là, elle existait, et son amitié était déjà bien précieuse. Ne voulant pas y penser, j'activai l'auto-radio et concentrai mon attention sur les informations locales bien ennuyeuses. Et alors que le bulletin météorologique annonçait un temps brumeux, je vis les rayons du soleil se refléter sur la chevelure de Martha qui m'attendait sagement sur le bas-côté, tout en serrant un sac à dos dans ses bras.

- Bonjour! dit-elle en s'installant sur le siège passager.

Malgré sa bonne humeur, je fus surpris de constater la naissance de cernes violacées incrustées sous ses yeux.

- Tu as quand même pu dormir un peu? questionnai-je légèrement navré.

- Oui! Tu peux rouler, je suis attachée, m'indiqua-t-elle impatiente.

Tout en laissant rugir le moteur, je laissais mes cordes vocales s'exprimer à l'entente de son empressement.

- Tu n'as rien oublié? lui demandai-je en la sachant étourdie.

- J'ai vérifié plusieurs fois avant de partir. J'ai pris mes éléments de costume, des vieux tissus, du fil, et j'ai aussi fais des cookies ce matin! énuméra-t-elle satisfaite.

- Il me semblait bien sentir une odeur de chocolat, répondis-je.

- Ah bon?! s'exclama-t-elle en ouvrant vivement son sac.

Tout en s'empressant de vider le contenu de son bagage, elle finit par en sortir délicatement une boîte hermétique dont elle s'assura qu'elle était bien scellée. Puis, en rangeant unes à unes ses affaires, elle contrôla que l'odeur de chocolat ne se soit pas imprégnée sur l'une d'elle en les reniflant vivement. Quant à moi, je maudissais mon odorat anormalement développée depuis que j'avais muté.

- J'ai dû sentir l'odeur sur tes vêtements, lui signifiai-je gêné par ma bourde.

- Je me suis changée avant de partir, répondit-elle incrédule tout en sentant la manche de son pull et la bretelle de sa salopette.

- Ça doit être dans tes cheveux alors, m'enfonçais-je, honteux de lui mentir à nouveau.

Alors qu'elle s'empara de l'une de ses mèche brune, je lui pris vivement la main pour la reposer sur sa cuisse.

- Ne t'en fais pas, tous ceux que tu verras aiment l'odeur du chocolat, lui assurai-je en feintant un sourire rassurant.

Avant que Martha n'ait pu rétorquer quoi que ce soit, ou ne puisse même s'interroger à nouveau, je la questionnais sur les prochains dessins-animés qu'elle aimerait revisionner. C'est durant une analyse détaillée sur la psychologie de la petite sirène que nous étions arrivés devant chez Sam et Emily. Tout en m'extirpant de l'habitacle, je ne pu m'empêcher de contempler cette maison fleurie sans penser aux nombreux souvenirs heureux, comme douloureux, qui me frappaient un à un. Et malgré la présence de Martha, maintenant présente à mes côtés, je ressentais l'absence de certains de mes frères partis bien trop loin.

Rumeurs - Seth ClearwaterOù les histoires vivent. Découvrez maintenant