Chapitre 31

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Alessio 

Annabelle était hors d'état de nuire. L'idée de mon père de la mettre en pension avait vite disparu à la seconde où j'ai montré du mien et que je l'ai suivie. Par la suite, en la poussant un peu à parler aux parents, elle avait réussi à obtenir ce qu'elle voulait. Un internat de qualité, proche de chez son copain. Pour la dernière partie, aucun des deux parents n'en avait conscience. Au moins, elle n'aurait pas à subir que j'avais eu plus jeune à cause de la lubie de me redresser comme un militaire par mes parents. Heureusement que ça n'avait pas duré longtemps, mais assez pour me laisser des traces mentales que je préférais oublier.

Il ne restait plus que moi. Vivre dans un climat de tension avec mes deux parents n'avait rien d'incroyable. La vie de famille que je voulais allait s'envoler dès qu'ils m'emmèneraient dans toutes les destinations pour recruter les joueurs. La vie de route n'était plus pour moi depuis longtemps. Ma conscience d'enfant avait laissé place à assez de maturité pour comprendre que ce n'était pas ce qui me plaisait du tout.

Pendant des jours et des jours, j'ai laissé mon téléphone dans un coin. Je ne voulais plus avoir à faire face au monde réel et à lui. Malt m'avait forcément envoyé des dizaines de messages. J'avais été trop lâche pour le prévenir ce jour-là. J'avais la sincère conviction que c'était le meilleur moyen pour amortir le choc.

Ma vie était passée d'un blanc éclatant au noir en un claquement de doigt. J'aurais dû m'en douter. Pourtant, j'ai préféré laisser la réalité au fond de mon esprit pour vivre l'instant présent avec lui.
L'amour rend vraiment aveugle. Ce n'est pas qu'une phrase tirée au hasard. J'ai laissé ce moment de lune de miel passer avant la menace de mon père grondant au-dessus de nos têtes depuis le départ.

J'ai versé beaucoup de larmes de toutes sortes. Enfermé dans ma nouvelle chambre sans aucune vie, je n'ai pas pris la peine de défaire un seul carton. Enfin si. À vrai dire, j'en ai éventré un pour récupérer l'ours en peluche de la foire.

Il sent son odeur ou c'est juste mon esprit qui me joue des tours pour que je m'y raccroche. En tout cas, je ne me voyais pas dormir sans. Cet ours avait un côté galvanisant. Il recueillait autant mes larmes que mes moments à dormir dessus en m'imaginant le corps de Malt à la place. Pas une nuit ne s'est passée sans que je ne le lâche.

La journée, mes parents me forçaient à sortir jusqu'à ce qu'ils soient obligés d'arrêter pour partir au travail. Ils n'ont pas réussi une seule fois. Me terrer dans la solitude me convenait parfaitement. Mes nuits courtes se remplaçaient par des siestes en plein milieu de la journée. Les rideaux n'étaient jamais tirés et je me refusais de regarder les nouveaux murs qui entouraient ce lit qui n'était pas le mien.

Je voulais ma maison, ma chambre, les murs en lambris de mon espace personnel qui pouvaient paraître sombres et vieux jeu, mais qui me manquaient atrocement. Je me souviens encore de la tête que j'avais fait en emménageant dans cette chambre à Lynchburg. J'avais l'impression qu'on m'avait cantonné à un chalet de noël. Maintenant, il me manquait mon chalet. J'y avais fait mes marques. Tout ne pouvait pas disparaître comme ça.

L'envie de pleurer revenait à la charge. Des larmes s'accumulaient aux coins de mes yeux. J'étais sur le point de tacher les draps pour une chambre. L'un de mes rêves les plus chers a été réalisé alors que mes parents le détruisaient. J'avais trouvé mon chez moi. Jamais je n'avais autant voulu me retrouver dans cette pièce qu'aujourd'hui.

Quelques coups retentirent contre ma porte, suivi de la voix fluette de ma sœur qui poussa la porte à demi pour rentrer. Malgré le faible taux de lumière, elle se dirigea vers mon lit à tâtons. Je n'avais pas envie de relever la tête, ni de la chasser d'ici. Trop d'efforts pour rien.

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