Chapitre 1 - Contre vents et marées

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Il n'y avait que le bruit des vagues déchaînées qui parvenaient aux oreilles d'Annabelle. Leur rage se déversait sur la plage et laissait derrière elle une odeur pénétrante d'écume à laquelle elle s'était accoutumée depuis longtemps. L'eau arriva aux pieds nus de la jeune femme qui frémit à ce premier contact avec l'océan. Elle recula, ajusta les revers de son pantalon pour dévoiler ses jambes, fit de même avec les manches de son pull et enchaîna avec quelques étirements des bras. Quelques muscles endormis se chauffèrent et elle termina avec quelques mouvements de têtes jusqu'à faire craquer sa nuque. Son regard n'avait pas quitté l'océan tempétueux, ni le soleil couchant au loin, visible au travers quelques nuages gris, ce qui formait un halo chaleureux. Une nouvelle vague déferla sur la plage avec une telle violence que des gouttes d'eau salées éclaboussèrent ses joues rosies par la fraîcheur automnale.

La Croisée sautilla légèrement sur place pour s'encourager et ses pieds s'enfoncèrent un peu plus dans le sable humide, faisant se glisser quelques grains entre ses orteils. Elle appréciait toujours autant cette sensation sous elle, cette sorte de lien qu'elle créait avec le sol pour qu'il ne se dérobe pas sous elle. Puis, d'un pas déterminé, elle s'avança vers les flots, poings serrés et regard froncé. L'heure n'était pas à la plaisanterie, mais à la discipline. Sans frémir cette fois-ci, ses pieds entrèrent en contact avec l'eau qui se retirait pour revenir encore plus forte. Les vagues de cette soirée atteignaient tout juste les deux mètres, mais c'était suffisant pour motiver Annabelle. Lorsqu'elle s'arrêta et se mit en position de défense, le mur d'eau commençait à se dresser non loin et son cœur se mit à palpiter autant dans sa poitrine que dans le creux de ses mains. Pour ne pas perdre sa concentration elle s'était imposé un rythme de respiration et chantait des fois à voix basse Little Black Submarine, sans trop savoir pourquoi cette chanson précisément, mais elle l'aimait beaucoup. L'eau était plus froide que les fois précédentes, plus mordante, ce qui la motivait d'autant plus à réussir du premier coup.

La vague formée avança rapidement et elle dressa ses deux mains devant elle. Si celle-ci venait à l'atteindre, elle serait refoulée plus en arrière et étourdie à la fois par le choc et par la chute brutale de température. Elle le savait car cela s'était déjà produit de nombreuses fois. Mais cette fois-ci elle était confiante et la barrière se matérialisa comme elle l'avait souhaité autour de son corps. Ses yeux vert-gris contemplèrent avec satisfaction l'eau se répandre autour d'elle sans la toucher, l'enfermant ainsi dans une capsule de sécurité. Son corps pivota et se mit à tournoyer au milieu de la mer, toujours sous la protection créée par sa faculté. Elle était impénétrable et inaccessible. Désormais qu'elle était en place, le plus ardu restait de la maintenir le plus longtemps possible et affronter la force de la nature qui agressait son mur protecteur. Au bout de plusieurs semaines, elle était parvenue à la faire durer plus d'une heure, les dix dernières minutes étant un supplice.

Affronter la plus grande peur d'Annabelle pour améliorer sa performance était une idée trouvée par Thomas, peu de temps après être rentrée à San Francisco. Jude l'avait rejoint un mois plus tard lorsque son agent de probation avait obtenu un accord sur son lieu d'hébergement, à condition qu'il poursuive ses études ou trouve un emploi. Si l'adolescent au corps encombré de tatouage s'était promis de l'aider à travailler ses facultés acquises, il était s'était révélé être un piètre enseignant et avait vainement tenté de forcer l'activation de la barrière en ayant recours à des armes factices. Mais lors d'un échange avec leur ami basé en Australie, ils avaient évoqué la peur créée dans l'esprit de la Croisée après que son corps eût été immergé dans les eaux glacées du lac de Wakeford, en début d'année.

C'est donc en se servant de cette peur qu'Annabelle avait débuté son entraînement sur la plage. Elle qui craignait de se voir submergée par l'océan, elle avait fini par réussir à créer une protection capable de l'englober, cela lui ayant pris plusieurs jours, une foulure du poignet et de nouvelles ecchymoses pour venir remplacer celles qui avaient transformées ses bras durant des semaines.

Annabelle Storm - Les Oubliés de l'Empire (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant