Chapitre 16 - Après la guerre (Partie 2)

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Une autre main se posa soudainement sur son épaule. Elle ne put contenir un hoquet de surprise et détourna le regard vers l'arrière. Une nouvelle vision d'horreur s'offrait à elle. Aussi livide que l'inconnue, Aurélia se tenait tout près, le corps criblé de projectiles, dans son pyjama d'hôpital lui aussi rougit par son propre sang.

- Pourquoi m'as-tu laissé mourir ?

- Je n'ai pas voulu que tu meures, parvint à dire Annabelle malgré le sanglot qui lui serrait la gorge.

- Tu as conduit mon meurtrier jusqu'à moi, ajouta la voix de Bejörk sur sa gauche, le crâne perforé.

- Non, je ne savais pas...

- Ma fille est orpheline à cause de toi, accusa la mère de Cemalis à sa droite.

- Combien de personnes sont mortes par ta faute ?

- Tu sèmes la mort autour de toi !

- Mon fils va mourir si vous ne m'aidez pas !

- Tu as abandonné ma fille !

- Taisez-vous, par pitié, supplia Annabelle en couvrant ses oreilles.

- Je te faisais confiance !

- Mon fiancé ne connaîtra jamais sa fille à cause de toi.

- Ton sang est maudit !

- Retrouvez-le !

- ASSEZ !


* * *


Après le retour à la maison, les souvenirs d'Annabelle étaient relativement diffus. Elle se souvenait de la surprise de Solaria devant qui ils étaient apparus, puis de Leag qui tenait à peine sur ses jambes. Leur arrivée et l'exclamation de la Croisée avaient réveillé tout le monde, mais le calme était vite revenu. Leag s'était volatilisé vers son lit et Annabelle avait à peine aligné deux mots avant de rejoindre le sien. Heira était venue à sa rescousse pour la débarbouiller, sans l'assaillir de question, ni même faire de remarques au sujet des traces de sang sur sa figure.

Mais même si l'épuisement l'avait rapidement emporté vers les bras de Morphée, c'est en nage qu'elle s'éveilla vers 9h du matin. Le cauchemar qui avait tourmenté son sommeil était suffisamment violent pour qu'elle en tremble encore une fois réveillée. Cela faisait quelques semaines qu'elle y échappait mais il fallait croire que l'agitation nocturne avait ravivé ses vieux démons.

Elle quitta silencieusement la chambre, toujours en pyjama, et constata le calme ambiant qui régnait dans la maison. Elle longea le couloir jusqu'au salon où le bruit familier d'un effervescent dans un verre d'eau parvint en premier à ses oreilles. Les rideaux du salon étaient encore tirés et plongeaient la pièce dans une douce pénombre, alimentée par de faibles rayons de lumière entre les pans. Sur le canapé, face à la télévision dont le son avait été réduit au minimum perceptible, elle trouva Evan et Leag, ce dernier attendant la dissolution totale de son médicament avec le front posé sur ses mains. Manifestement, la nuit avait été rude pour lui aussi.

Evan l'accueillit avec un sourire timide, lunettes sur le nez, et se leva pour la saluer. Il était déjà habillé et douché, en témoignait ses cheveux encore humides dont les boucles brillaient dans la faible lumière.

- J'ai fait couler du café, dit-il en lui désignant l'appareil ménager dans la cuisine.

À ses mots, elle saliva et remercia l'étudiant comme s'il était Dieu en personne avant d'attraper le plus grand mug qu'elle trouva dans le placard et de le remplir jusqu'au bord. Après quelques gorgées salutaires, et un bref échange de banalités, elle désigna d'un coup d'œil le Pisteur mutique.

Annabelle Storm - Les Oubliés de l'Empire (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant