Chapitre 11 - Le soir du départ

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« 12 février,

Je crois que je l'aime... »

23 ans plus tôt

- Lâche-moi ! Tu me fais mal !

Éloïse quitta sa cuisine à l'entente des cris de sa propre fille qui s'approchait à grands pas de l'entrée. Elle essuya à la hâte ses mains sur son tablier et découvrit son aînée qui se débattait à grands mouvements pour se défaire de l'emprise de son mari sur son bras. Il exerçait une telle pression dessus qu'il ne semblait pas remarquer la détresse de sa fille, mais Meryl continuait avec hargne à s'agiter pour lui faire lâcher prise. Ses cheveux bruns volaient dans tous les sens et recouvraient presque son visage. Ses joues étaient aussi rouges que le tablier d'Eloïse qui ne comprenait pas l'origine de ce vacarme.

- Tu vas te calmer ! gronda Henry Fletcher dont la corpulence était deux fois plus imposante que celle de sa fille. Hors de question que je te laisse retourner avec ce type !

Meryl n'en démordait pas et continuait de hurler à pleins poumons, comme si sa propre vie en dépendait. Le voisinage devait percevoir ses cris depuis leur propre salon.

- Henry, que se passe-t-il ?

- Ce qu'il se passe ? Ta fille a perdu l'esprit, voilà ce qu'il se passe !

- C'est toi le fou dans l'histoire ! rétorqua l'adolescente qui se calma petit à petit.

Éloïse, peu habituée à voir une telle scène sous son toit, contempla immobile et désemparée le spectacle. Elle fut rassurée de savoir George en dehors de la maison, lui évitant ainsi le traumatisme d'une violente dispute.

Quand Meryl cessa de s'agiter, elle s'approcha d'elle et tendit la main vers sa joue, remarquant une rougeur qui n'était pas simplement due à l'effort. Sa peau était devenue sensible à moindre toucher.

- Tu l'as frappé ? demanda-t-elle à Henry avec un regard lourd de reproches.

- Si tu avais vu ce que j'ai vu, se défendit-il sans lâcher prise. Elle peut s'estimer heureuse de n'avoir pris qu'une gifle.

Avec toute la peine du monde, Eloïse parvint à faire libérer le bras de Meryl et constata un début d'hématome. Il avait serré si fort qu'il en avait marqué sa peau pour les jours à venir. Elle dégagea quelques mèches du visage de sa fille et vit ses yeux rougis de larmes prêtes à déferler, mais elle les retenait pour ne pas se laisser abattre devant ses parents.

- Qu'as-tu fait, Meryl ? l'interrogea-t-elle avec la plus grande inquiétude.

L'odeur de l'herbe lui sauta à la figure. Elle savait depuis quelques mois que sa fille fumait de temps en temps un joint pour faire passer les douleurs menstruelles puisque les anti-douleurs fournies par les médecins ne suffisaient pas, mais elle s'était abstenue d'en faire part à Henry pour ne pas créer de conflit. Elle déduisit immédiatement qu'il l'avait prise sur le fait.

- J'ai rien fait de mal, maman. Tu dois me croire.

- Ben voyons ! clama son père sans décolérer. Dis donc à ta mère avec qui je te trouve en train de fricoter.

Éloïse revint à Meryl qui se mordait la lèvre pour ne pas faillir, mais elle gardait la tête baissée. La mère chercha dans son esprit quel homme aurait pu mettre dans cet état son mari. Elle pensa d'abord au jeune Drew, mais se ravisa puisqu'ils avaient rompu il y a plusieurs mois de ça. Depuis, elle n'avait jamais dit fréquenter un autre garçon. Et Meryl aimait beaucoup garder ses petits secrets pour elle.

- Dis-moi, ma chérie. Je t'en prie.

Elle prit le menton de sa fille et l'obligea à relever la tête. Et les larmes déferlèrent sur ses joues de celle-ci, dessinant des sillons noirs.

Annabelle Storm - Les Oubliés de l'Empire (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant