Chapitre 8 - La huitième marche (Partie 2)

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Presque étouffée par cette ambiance, entre le tintamarre de la cuisine et l'effervescence du salon, où Francis et Gloria ne soutenaient manifestement pas les mêmes équipes, Annabelle se demanda ce qui lui avait pris d'accepter de recevoir autant de personnes sous le même toit. Et c'est un sentiment qui l'avait gagné dès que les Walker étaient arrivés à la maison. Elle avait oublié leur familiarité, comme s'ils étaient des amis de longues dates et le ton maternel de Bianca, bien qu'elle n'ait jamais eu d'enfant. Jude avait rapidement retrouvé ses marques avec eux et ses traits s'étaient radoucis. Il ne l'admettrait jamais à sa colocataire, mais lorsqu'il vivait à Wakeford, à l'ancienne ferme, il lui était parfois arrivé de se sentir à sa place auprès d'eux.

- Je vais m'en griller une et on attaque le dessert, s'exclama subitement Bianca en enfilant sa veste par-dessus son tablier.

Annabelle reporta son attention vers son ami qui essuyait ses mains avec un regard porté vers la table élégamment dressé. Il ne s'était pas assis depuis des heures et cela se ressentait sur son visage aux traits tirés.

- Il y a un couvert de trop sur cette table, fit-il remarquer à sa colocataire.

Effectivement, une assiette avait été rajoutée en bout de table à la demande discrète d'Annabelle qui comprenait qu'il était temps d'être honnête avec son colocataire. Elle s'approcha timidement de lui, le regard fuyant et avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, le ton grimpa d'un cran.

- T'as pas fait ça !

Il avait lu en elle malgré le fait qu'il se l'était interdit. Mais elle y avait songé si fort que c'était comme si elle lui avait intentionnellement transmis ses pensées.

- T'as proposé à Leag de te joindre à nous ? Mais t'es complètement folle !

- J'ai le droit d'inviter qui je veux chez moi, rétorqua-t-elle, même si elle s'était attendue à cette réaction.

Énervé, il jeta son torchon sur le plan de travail et croisa les bras sur sa poitrine.

- Donc, j'ai pas mon mot à dire ?

- Si, mais tu ne m'aurais pas laissé placer mes arguments si je t'en avais parlé hier. Tu es trop catégorique à son sujet.

- Mais t'es dans quel camp ? Ce connard m'a trahi !

- Certes, mais il fait amende honorable en m'apportant son aide. Tu conviendras que j'ai besoin de lui à l'heure actuelle.

- Et s'il te manipulait ? Et si...

Il jeta un coup d'œil vers Evan qui écoutait sans aucune discrétion leur échange.

- Et s'il était à la botte de son oncle pour te ramener là-bas ?

- T'as qu'à le sonder pour en être sûr, répondit-elle en s'accordant sur sa langue tout en s'exprimant plus calmement. S'il tient à faire ses preuves, je suis sûre qu'il sera compréhensif.

- Je peux pas faire ça.

- Et pourquoi ça ? T'as aucun scrupule à sonder n'importe qui dès l'instant où tu te méfies. Alors pourquoi pas lui ?

Les mots restèrent coincés dans la bouche de l'adolescent. Il serra les poings sur le plan de travail, incapable de répondre franchement.

Aussitôt que le calme s'était installé dans la cuisine, un rire tonitruant provenant de l'extérieur attira l'attention des colocataires. Bianca s'esclaffait sans aucune gêne et ouvrit la porte pour laisser passer le dernier invité de la journée.

- Anna chérie, ton ami est arrivé, annonça-t-elle, le visage empourpré par l'émotion.

Sur le pas de la porte, Leag avait fière allure. Pour la première fois, il apparaissait élégamment vêtu dans un blazer couleur crème, par-dessus une chemine blanche boutonnée jusqu'en haut. Rasé de près et bien coiffé, il semblait paré pour se rendre à un gala, à ceci près qu'il avait gardé ses chaussures de ville, par confort. Il tendit une bouteille de vin à la Classée qui ne savait quoi dire après le vif échange avec Jude.

Annabelle Storm - Les Oubliés de l'Empire (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant