====chap4.0====

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#include <Quand vous observez quelqu'un, c'est la lumière qu'il émet qui vient vers vous. PATRICK CHARTIER>

TIME / Hiver 2050 / "Présent" /

// Lumière.

/ Mon regard glisse sur les murs. BLANC. Froid. Morne. Bruit de fond.

/ Hôpital.

/ Je hais les hôpitaux.

/ C'est ma stupidité qui m'y a amené. Ma stupide décision d'aller taguer le grand mur ROSE de la baraque de Frent. La nuit a été longue, à dessiner les traits de l'injustice, à jouer avec l'urgence et l'illégalité, à cracher ma haine, puis à me faire fracasser par le garde.

/ Je me redresse. La lampe au néon postillonne des contours.

/ Box cubique à la porte en vitre fumée que des feuilles d'érable tombantes entrecoupent. Une petite patère où pendouillent deux tissus. Je ne sais pas à quoi ils servent. Je ne veux pas le savoir.

/ Frisson. Je hais les hôpitaux.

/ Distributeur de gel hydroalcoolique archaïque sous une affichette défraîchie. Étagère de ferrailles tubulaire où s'alignent des boîtes de gants de toutes tailles en carton défoncé. Bureau strapontin. Et cette horloge, en plein devant moi, fait tourner les secondes à un rythme linéaire et dérangeament lent. Girafe. Chaise pliante matelassée en simili cuir. Deux grosses poubelles sur une structure roulante, l'une est en plastique, l'autre en tissus délavé à rayures. Un porte-document est accroché au mur, dedans il y a un dossier. Un long lavabo où se rangent sagement un distributeur de serviette en papier et un réservoir à savon. Une petite planche de contre-plaqué supporte le tas de serviettes carrées, un flacon opaque de plastique épais et cinq sortes de boîtes en carton mâché semblable aux boîtes d'œufs. Une multitude d'affichettes plastifiées indiquent comment se laver les mains, comment enfiler une charlotte, quand se faire vacciner, comment dépister le cancer, à qui parler quand on est alcoolique. À droite, une fenêtre qui ne donne sur rien, vitre condamnée par les stores vénitiens.

/ Et elle.

/ Il y a un autre lit entre la fenêtre et moi. Il y a une autre vie.

/ Elle.

/ Son regard immense se porte sur le téléviseur muet. Elle sirote une brique de jus de fruits. Elle est pâle, cernée. Mais son œil est si grand que son BLEU en camoufle la désuétude.

/ Elle tourne la tête vers moi. Présent. Je sens ma présence dans l'œil de son monde. Elle est jeune. Très jeune. Pas plus de douze ans. Elle s'étire, bâille ouvertement et se remet sous ses couvertures.

Ça y est, tu es réveillé, constate-t-elle sans intonation particulière.

/ Pourtant, sa voix est chaleureuse. Et aiguë. Très aiguë. Elle résonne contre mes tympans, mais ce n'est pas désagréable. Elle parle lentement, articule beaucoup. Elle n'est pas surexcitée comme les enfants de son âge. Elle me parle, elle me voit, je ne lui fais pas peur.

/ J'aimerais vérifier mon reflet. Peut-être pour m'assurer que je dégage ce que j'ai toujours dégagé. La marge, l'anarchie, la singularité, le désordre.

Je m'appelle Natsumi, et toi, je parie que je peux deviner ton nom.

/ Je ne réponds pas. Elle n'attend pas de réponse. Son visage rond se penche sur la droite. Ses mèches blondes tombent jusqu'à ses coudes. Elle a une frange passée de mode, du genre actrice française des années 90 : trop courte et taillée à la serpe. C'est laid. Mais son œil est si BLEU.

J'ai le droit à plusieurs essais ?

/ Je secoue la tête négativement. Sadique ou curieux, j'attends de voir comment l'ange réagit à la frustration.

Les Anges ne vont pas en EnferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant