#include <Il y a sur cette terre des gens qui s'entretuent ; c'est pas gai, je sais. Il y a aussi des gens qui s'entrevivent. J'irai les rejoindre. JACQUES PRÉVERT>
TIME / Hiver 2052 / "Présent" +245 jours /
// Cloisonnées, mes pensées se bouclent.
/ Je pense à nouveau : « Depuis quand les prisons sont-elles si sommaires ? ». Alors je me remets à penser à la nouvelle présidente et à la radicalité de sa ploutocratie. Je me dis encore : « Le sol est en lino, le lino c'est mieux que le béton ». Je pense toujours à mon frère : « Est-il avec un geôlier de guerre ? Est-il mort ? Faudrait-il plutôt qu'il soit mort ? ». Je dessine aussi. Je dessine les mêmes choses.
/ Cloisonnées, mes pensées ne s'élèvent pas. Je pense à l'Atelier : « L'a-t-on vidé ? M'a-t-on arraché la dernière chose que je possède ? ». Je n'ose pas demander aux uniformes, de peur qu'ils apprennent la présence de mon terrier par ma faute.
/ Je dessine des silhouettes de charbons sur des carnets de chiffons. Sombre et lascive, une madone de Munch. Je dessine un faux profil féminin. La fausse fille des urgences. Entre l'innocence enfantine et la volupté sensuelle. Je pense à cette fausse fille de métal bien plus innocente qu'un enfant. Bien plus humaine que les humains.
/ Je pense et dessine. Dans l'ombre des quatre murs, j'invente mes propres barreaux. Je ne veux pas penser à elle. Je ne veux pas me dire : « Quel beau regard, quel être captivant ». Il m'a fallu des semaines pour me rendre compte de ce qui m'a perturbé ce jour-là. Ce n'était pas son œil BLEU. Eidétique. Présent. Ce n'était pas ses mots purs. Diamant vierge de la fraise grésillante du bijoutier. Ce n'était pas sa flamme endogène. Lumineuse. Chaleureuse. Éclairante.
/ C'était sa brique de jus.
/ ROSE. Une brique ROSE telle qu'on en donne aux « Droïdes Affectueux » pour recharger leur système interne. Du concentré sucré que seuls ces putains de mechas peuvent avaler.
/ Elle n'est qu'un putain de mecha.
/ Je balance le charbon contre le mur. Un impact NOIR troue le GRIS. Un seul humain. Il ne me manque qu'un seul humain pour accepter d'appartenir à cette espèce. Un seul humain qui me prouverait que ce troupeau immobile ne fait pas que bêler, qui me prouverait que la pensée jouit dans l'ombre, là où les rêveurs attendent.
/ Je m'accroupis. Ramasse le charbon. Mes doigts sont NOIRS. J'essuie la suie sur ma joue. Guerre intérieure. Un seul putain d'humain pour être en paix. Le charbon se frotte au mur, traçant ce que ma main se refuse à mettre sur papier. Une ombre, comme un voile qui se décolle, soulevé par un vent inconnu. Sous le voile, un sourire savant sur son visage.
/ Natsumi. Pendant ces deux ans emmurés, je me demande comment est le monde dans tes yeux.
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Les Anges ne vont pas en Enfer
Fiksi Ilmiah❊ Ce n'était qu'un droïde semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon amie, et elle est maintenant unique au monde. ❊ En l'an 2050, la mode est aux...