5 - Culpabilité

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–– Tu refuses de me parler ? 

Je ne relève même pas mon regard, me contentant de passer mon pouce sur le « L » de « Liam », gravé dans la plaque dorée. Il me regarde faire, puis soupire longuement, reposant tout ce qu'il tenait en main sur le bureau. 

–– Ce n'est pas comme cela que nous allons avancer...

–– C'est en nous disant l'un l'autre que l'on se déteste, j'avais oublié, je crache. 

Il grogne, me faisant relever le regard vers lui. Ses yeux noirs sont plantés dans les miens, mais j'abaisse rapidement le regard, les sourcils froncés, presque de façon douloureuse. 

–– Je dois savoir pourquoi tu as tué Claire, il articule après un moment. 

Je relève mes yeux bleus vers les siens, mais n'entre en contact qu'avec un voile de professionnalisme pur. Je hausse les épaules, me balançant dans le siège. 

–– Elle me tenait. Elle m'a fait devenir... Dépendante. Folle, même. Elle m'a rendue dingue. Un soir, alors qu'elle m'avait encore une fois fait sombrer, je l'ai abattu. Pour couper court à tout ça, ou alors... Pour me venger. 

–– L'appartement à été fouillé ? 

–– Non, ils n'ont pas réellement fait d'analyses. J'étais la coupable et ils le savaient. Il y a eu quelques procédures, mes traces de mains sur le couteau et sur elle, voilà tout. 

–– Ce n'est pas la procédure... Je verrais cela, il articule, avant de reprendre. Tu regrettes ? 

Mes yeux s'obscurcissent alors que je plonge mon regard dans la vitre, juste derrière Liam, ouverte sur la cours de la prison. Est-ce que je regrette ? Sans réfléchir, je dirais que non. Mais en réalité, je ne sais pas. Je suis perdue. Cette soirée repasse dans ma tête et je me perds dans celle-ci, les sourcils froncés. 


Je ne peux pas bouger, comme d'habitude. Je suis dans un coin de la pièce animée de nombreux éclairages tamisés. Immobile, comme une ombre. Son ombre. Elle est face à moi, accroché au bras de Louis, qui l'embrasse à pleine bouche. Je ne fais pas un geste et me contente de la regarder, mon index creusant le verre de Whisky au creux de ma main. Parfois, je peux la voir me regarder. Elle détaille ma silhouette, puis lâche un sourire en continuant de m'observer en silence, sans jamais esquisser un geste vers moi. 

J'ai le temps, pendant la longue soirée, d'observer à quel point sa robe rouge met ses formes en avant. A quel point elle est jolie, elle et ses cheveux d'un brun sombre, profond. Elle et ses yeux bleus, magnifiques. Ses lèvres pulpeuses et son corps fin. Sa petite taille ne semble gêner personne. En réalité, tout le monde semble l'apprécier. « Un caractère de feu pour une mignonne petite personne. » Je pourrais vomir sur toutes ces personnes-là, tant elles me dégoûtent. 


–– Olivia ? 

Je relève le regard, clignant des yeux plusieurs fois. Liam me regarde, les sourcils froncés. Il semble surprit de ce qui vient de se passer. 

–– Excuse-moi. Je ne sais pas si je regrette ou non. 

–– Tu as fait une obsession sur cette fille, à l'époque, je me trompe ? 

Je hoche la tête, passant une main tremblante dans mes cheveux. 

–– C'est étrange... En général, ce genre de personnes sont effacés. Et pourtant, toi, tu as un caractère assez affirmé à présent. 

–– C'est horrible, mais... De la tuer à été un soulagement énorme. J'étais... A sa merci. Elle aurait pu faire ce qu'elle voulait de moi, parce qu'elle me faisait vivre. J'en avais l'impression, en tout cas, mais, avec le recul... Je me rends compte qu'elle me détruisait, pour ensuite me faire remonter la pente... 

Une douleur se déploie dans ma poitrine, comme un pincement dérangeant. Je frotte mes mains entrent-elles, la respiration courte. Je déteste parler de cela, parce que je suis faible face à cette histoire. Minable, misérable. Elle me détruisait et je ne faisais que m'accrocher à elle comme une tic, j'étais idiote. 

–– Bon, je crois que c'est assez pour aujourd'hui... Je vais te raccompagner à ta cellule. 

Je hoche distraitement la tête, me relevant, ce qu'il fait à son tour. 


Je suis étalée sur mon lit, les pieds collés au mur. Une chanson de Radiohead résonne dans la pièce, je ne sais plus réellement laquelle. L'épisode de cette après-midi m'a perturbé. Si bien que je me retrouve ici, couché dans mon lit de prison, en plein milieu de la nuit. J'aimerais savoir l'heure qu'il est, mais je ne peux pas – il faudra que je fasse du chantage à nouveau, pour me procurer une horloge, tout de même. 

Le CD semble déraillé, à un moment. La voix qui tonnait dans la pièce s'affaisse, vrille, pour ne devenir qu'un crissement agaçant. Je me retourne pour voir de la fumée s'échapper de ma radio. 

–– Eh merde... 

Je me lève et me précipite sur l'objet, sortant le CD défaillant. Un petit morceau de nourriture quelconque est en train de brûler. Je grogne en le jetant à la poubelle – il est définitivement inutilisable. Après un moment à observer ma radio, qui semble marcher, je prends un autre CD et le glisse à l'intérieur avec précaution. 

En réalité, une simple radio ne devrait pas me poser autant de problème et d'angoisses, mais elle est la seule chose qui me tient sur terre, la plupart du temps. Je ne pourrais pas vivre ici et écouter les gens hurler à longueur de journée et de nuit. Ce ne serait psychologiquement pas possible pour moi. Alors, je me plonge dans de la musique. Elle m'est essentielle et je m'en rends compte brusquement, alors que la voix de Katy Perry anime la pièce terne. 


Vers neuf heures, lorsque Katy s'élance dans la seconde chanson de l'album pour la vingtième fois, une femme hurle « RECREATION » dans les couloirs, et ensuite, le bruit de trois ou quatre portes se faisant ouvrir résonne. En Enfer, nous sommes peu à avoir droit à une pause. La mienne finie également par être ouverte, sur Louis, qui me lance un regard noir avant de s'en aller. Je me lève et, après avoir enfilé un jean noir, un gros pull et mes Converses noires, je sors. Je m'élance jusqu'à la cellule de Zayn, mais il n'y est plus – merde, je dois réellement le remercier pour ce qu'il a fait avec Harry. 

Je dois également trouver Niall, pour que l'on puisse parler. Mais je crois qu'il n'est plus affecté à l'Enfer ou à la cantine. Peut-être même qu'il a démissionné ? Je n'en sais rien. 

Je parcours les couloirs, déstabilisée. Je ne sais pas quoi faire, je suis une réelle coquille vide. Je devrais passer cette heure avec Zayn. Mais il n'est pas là. Et rien que cette chose, inhabituelle, me met dans tous mes états. Mes pensées sont éparpillées. Je suis perturbée par cette situation, parce que ces heures passées avec Zayn sont ma seule once de liberté – pourquoi n'est-il pas là ? 

Après un moment, ma tête se met à tourner brusquement. Abruptement, je m'assois sur le sol, dos contre un mur, les yeux grands ouverts, choquée par ce qui est en train de m'arriver. Je n'ai jamais eu une angoisse pareille quant à cette routine malsaine. Mais maintenant que je me rends compte de tout cela et qu'elle me revient violemment en plein visage, cela me fait mal, je crois. J'ai déjà vu d'autres détenus tombés dans ce genre de folie, je ne vais pas être d'eux. 

Mais je ne peux pas empêcher une larme de rouler sur ma joue silencieusement, alors que mon regard reste encore de glace, posé sur la porte en face de moi, que je remarque être celle du bureau de Liam – je n'aurais pas pu mieux tomber. De toute manière, il doit sûrement être avec cette vieille directrice, en train de coucher avec elle. Mon visage est déformé par une grimace aux images qui suivent ma pensée. 

Je ferme les yeux, me laissant aller contre le béton dans mon dos. 


« Je crois que cet endroit est en train de me détruire, encore plus que je ne le suis déjà. »

ClaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant