17 - Dégoût

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Je ne sais pas quoi penser de ces dernières semaines. Nous avons engagé le procès et il a été traité la semaine suivante, car la justice l'a jugé de premières urgences. Je me retrouve devant le tribunal de grande instance... Nous sommes mardi, je crois, et je suis assez épuisée après les nuits d'insomnie qui vienne d'arriver. Je suis surprise, encore, d'à quel point cette robe semble être confortable, comparée aux vêtements de prison. Néanmoins, je dois être menottée. Mais tout vaut mieux que ma cellule, même ce tribunal. Je relève le regard sur le paquet de personnes qui vont juger de ma liberté. Et s'ils ne me trouvaient pas sincère ? J'espère le contraire.

Ma principale inquiétude est Louis et également la famille de Claire, qui sont présents. Je crois que sa mère m'aimait, avant, et je crois aussi qu'elle était la seule à savoir que sa fille était réellement folle. Je n'arrive pas à savoir comment Louis me défendra ou m'enfoncera. Il est presque sûr qu'il tente de me faire porter le chapeau, mais, et bien, qui sait ? La juge arrive et s'installe, puis déclare le procès ouvert. Je déglutis lorsque le stress commence à s'emparer de moi.

–– Olivia Anderson, avancez-vous s'il vous plaît, elle dit en survolant des papiers des yeux.

Je m'exécute et avance jusqu'à la barre, sur laquelle je pose mes deux mains tremblantes et menottées. Comment faire pour être convaincante ? Je sais que mon avocat me défendra ensuite, mais je dois d'abord donner ma version des faits par... Moi-même, disons. 

–– Il y a cinq ans, vous avez été jugées ici-même pour meurtre sur mademoiselle Claire Blake et vous avez été jugées coupable. La nuit des faits, vous l'avez apparemment poignardé, mais vous ne vous en souveniez pas à cause de l'amnésie qui a suivi les faits. Les thérapeutes qui vous ont suivie l'ont toute déclarée réelle, mais elle ne s'était jamais estompée. Vous avez été condamné à la prison à vie, puis finalement à vingt années fermes. Quel est l'état des faits aujourd'hui ? Demande-t-elle, relevant le visage pour me regarder.

–– Il y a environs un mois, j'ai réussi à combattre mon amnésie et avec cela, à me souvenir de la nuit des faits. J'étais convaincu d'être coupable, mais je ne le suis pas. 

J'entends des protestations dans mon dos, mais la femme face à moi lève la main en articulant un « silence ». Je déglutis, essayant de trouver le courage pour continuer.

–– Claire m'avait sous son emprise. Je crois avoir été prise d'un syndrome de Stockholm, en quelque sort, ou alors une simple obsession. J'étais obsédée par elle pendant deux ans... Je n'ai fait que... Que la suivre, lui obéir. Je sais et je savais que jamais je n'aurais pu la tuer. Je pensais juste avoir succombé à un excès de folie, mais la réalité est tout autre. Nous fêtions cette nuit-là la fin de l'année scolaire...

Je continue mon récit, passant par tous les détails. Je crois que je parle pendant au moins une demi-heure, mais je ne m'en préoccupe pas réellement. Je dois être précise et rapporter le plus de faits possible. Me ressasser la soirée me donne envie de vomir plusieurs fois, mais je retiens mon envie en essayant de faire le vide. Je dois être précise et convaincre tout le monde. A la fin, je précise que Louis nous a retrouvé et a appelé la police directement en disant que je l'avais tuée. 

–– Bien, la juge dit en hochant la tête, retournez vous asseoir. 

Je le fais en tremblant, prenant place près de Liam qui attrape une de mes mains moites. Il m'adresse un sourire plus ou moins rassurant, avant de reporter son attention vers le procès. La directrice est interrogée, mais elle n'apporte rien de plus qu'un « elle était assez appliquée », ce qui est faux, mais j'imagine qu'elle ne veut juste plus me voir dans l'enceinte de son établissement. Peu importe, elle m'aide et c'est ce qui compte. Après ça, nous avons droit à une pause d'une demi-heure où les jurés feront un premier constat. 

Après la pause, nous revenons dans la salle. Je m'installe au moment où Louis est appelé à la barre. Ma respiration se coupe. Que va-t-il dire ? Mon ventre se retourne littéralement. Il va aller contre moi. La juge lui laisse la parole.

–– Je savais que Claire était instable. Et qu'Olivia aussi, mais pas au même point. Et je sais aussi que Claire nourrissait une sorte de jalousie maladive en plus d'une obsession pour Olivia, tout comme elle le faisait aussi de son côté, mais pas de la même façon ou de la même puissance. Claire parlait de... De suicide, de meurtre. Je ne la pensais pas sérieuse, à l'époque. Je pensais qu'elle riait et lorsque j'ai vu la scène de crime, j'ai simplement oublié tout ça. J'étais fixé sur une sorte de haine parce que, et bien, j'aimais Claire. Mais... Après avoir écouté ce qu'Olivia vient de dire, je vous assure qu'elle dit la vérité. Claire m'a parlé d'un suicide associé à une façon de couler Olivia. Ce soir-là, avant de monter rejoindre Olivia, Claire m'a dit à l'oreille « je vais la faire couler », en riant. J'étais à moitié ivre... J'ai cru qu'elle riait. Mais elle ne le faisait visiblement pas. 

Je suis gelée. Il vient de me donner raison et a même dit au jury de me donner raison. Je suis heureuse, mais Louis reste une personne assez lunatique pour moi. Je ne sais pas quoi penser de ce qu'il vient de faire. Et malgré le fait que je sois heureuse, l'appel de la mère de Claire à la barre me fait stresser à nouveau. Elle s'installe et me regarde un moment, avant de se retourner vers la juge et le jury. 

–– Je pense que ma fille est coupable, dit-elle simplement, me faisant frissonner. Elle était très instable émotionnellement et surtout au niveau de ses colères ou jalousies. Et elle était en colère contre Olivia. Ma fille l'aimait, mais Olivia ne semblait pas réellement réagir à cela, ce qui la mettait hors d'elle. Je pense qu'elle voulait simplement la faire payer. Et elle a réussi en se faisant passer pour la victime alors qu'elle était la meurtrière.

Les avocats, après ces déclarations, se mettent à me défendre. Liam est également appelé à la barre et il témoigne en ma faveur. Tout est pour que je sois traitée innocente, jusqu'au moment où la sœur de Claire s'avance. Je ne crois pas avoir eu un jour une conversation sérieuse avec elle. En réalité, elle ne m'aimait pas. Parce que je pensais tout mon temps avec sa sœur. A l'époque, elle était âgée d'environs dix ans. Maintenant, elle en a quinze. Nous avons eu une discussion où elle m'avait dit, je cite « tu me voles ma sœur ». Et ça m'avait fait pitié, d'un côté, mais d'un autre, j'étais quasiment sûre que Claire se faisait voler par n'importe qui le voulait. Elle ne devait pas prêter beaucoup d'attention à sa petite sœur. 

Celle-ci, justement, me lance un regard amer avant de se retourner vers le jury et la juge.

–– Cette femme est une meurtrière. Elle était totalement collée à ma sœur. Ce n'était même plus de l'obsession, c'était encore plus fort. Et ma sœur l'a blessée, de toute évidence. Lorsqu'elle était jalouse, ma sœur s'efforçait de faire mal le plus possible. Et évidemment qu'Olivia, instable, à dû s'échauffer après cela. Je ne comprends pas pourquoi mes parents la défendent car l'évidence est telle que... Et bien, on ne peut pas la nier. Mais une chose n'a été dite par personne ici, elle dit d'une voix sombre, je crois que... Olivia dominait Claire et pas le contraire. 

La juge articule un « merci » après la fin de son discours. La fin de celui-ci me laisse complètement perturbée. Qu'est-ce qu'elle raconte ? 

Peut-être qu'elle a réussi à faire changer les jurés d'avis ? J'espère réellement que non. A ce moment-là, justement, la juge annonce une demi-heure de pause pour délibération. Je vais me vomir dessus si je ne me calme pas. Liam me prend pas le bras pour me diriger vers la sortie.

–– Tout va bien aller, me dit-il en souriant.


–– Coupable.

Et le monde s'arrête, s'effondre et me détruit.

ClaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant