10 - résistance

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–– Tu vas bien ? Il demande distraitement alors que je m'installe dans un des sièges. 

En réalité, il me dévisage. D'un regard réellement inquiet. Je dois vraiment avoir l'air terrible pour qu'il me regarde cette façon. Mais, j'imagine qu'il se sent coupable. Enfin, je l'espère. Je passe un doigt sur le L de Liam, sur la plaque qui orne son bureau, ce qui est devenu une sorte de tic nerveux. 

–– Tu ne devrais même pas poser la question, je murmure, creusant ma cuisse des ongles de ma main gauche. 

–– C'est... Tu as raison. Excuse-moi pour tout cela... J'aurais pu faire quelque chose, mais je n'ai rien fait. J'étais un peu de mauvais poil, ce jour-là. 

–– Un thérapeute n'est pas censé savoir gérer ses émotions ? Je demande ne relevant le regard sur lui et ses yeux noirs. 

–– Censé, mais la réalité est tout autre. Personne ne peut complètement gérer ses émotions.

–– Je suis sûre qu'il t'on apprit plein de chose sur le « comment se contrôler en présence de détenus », je dis en riant amèrement. 

–– Tu n'es pas dangereuse. J'ai des détenus dangereux, ici. Comme Josh Simons ou Harry Styles, qui sont réellement des fous, je l'admets. Mais tu n'es pas comme eux. Je me demande même si tu as tué cette fille... Tout ce que tu me racontes, ça me mène à l'hypothèse que peut-être non. 

–– Je l'ai tuée, je sais que je l'ai tuée. Pendant toute cette semaine, j'ai entendu ses cris et j'ai eu des images du couteau, du sang, je me sentais impuissante. Inutile et impuissante. 

Je baisse les yeux et j'entends sa chaise grincer sur le sol. Encore un peu et il se retrouve à genoux devant moi, souriant. Il passe une main sur mon genou et de l'autre, il soulève mon visage. 

–– Tu n'es pas inutile, d'accord ? Cette fille t'avait entre ses griffes et, même si tu l'as tuée, ça reviendrait presque à de la légitime défense. 

Je sens son pouce former des cercles sur ma joue droite et son sourire qui me rassure. Pourquoi est-ce que je me sens tellement confortable avec lui. Je le regrette, à chaque fois, mais je me sens en sécurité et je n'arrive même pas à comprendre pourquoi. Et je divague dans mes pensées, assez pour être surprise au moment où il m'embrasse. Oh, que se passe-t-il ? Mais merde, ses lèvres sont douces et les papillons qui flottent dans mon estomac sont plutôt agréables... Je me laisse tout juste aller au baiser lorsqu'il le coupe brusquement. Il recule et semble réaliser ce qu'il vient de se passer. 

–– Ce n'est pas professionnel, il articule en reculant encore, jusqu'à s'asseoir à nouveau dans sa chaise. 

Il fouille dans ses papiers comme pour trouver quelque chose pour échapper à cela. Choquée n'est même plus le mot pour décrire mon état. Je suis altéré par ce qu'il vient de se passer et par sa réaction. 

–– La séance est terminée, il dit après quelques secondes de plus, déglutissant. Tu peux t'en aller. 

Je reste un moment figée. Il me rejette, parce que je ne suis pas assez bien. Je me lève lentement, puis remets ma chaise en place. A quoi m'attendais-je ? 


« Tu sais que tu es différente. Tu sais que tu es inférieure à eux, à moi. Mais je suis là, je t'accepte. Je suis là pour toi. Sois reconnaissante. Je t'aime, Olivia. »


Je sors de la pièce, refermant la porte derrière moi. Je suis dans un brouillard complet. J'ai l'impression de flotter dans une sorte de neutralité. Je ne sais pas si je dois réagir ou non. Je suis juste... j'ai l'impression de mettre renfermer, en réalité. J'ai l'impression que quelque chose en moi s'est juste réenclenchée. Je regarde les couloirs aux environs, essayant de me sortir de cet épais brouillard. Mais je ne trouve pas. Rien. 

ClaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant