9 - pensées

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Je dois être enfermée ici depuis environs cinq heures. Peut-être plus. Je n'ai pas notion du temps, pas du tout. Je suis juste là, dans un coin de la pièce et je ne sais pas quoi faire. J'ai déjà été envoyée ici deux fois et à chacune d'entre elles, je me suis promise de ne jamais y retourner. De tout faire pour ne pas y retourner. Il n'y a aucune entrée. Pas de fenêtre, aucun embrasure dans la pièce. Tout est sombre et je distingue à peine mes doigts en les levants au niveau de mon nez. L'air est étouffant. Et on ne me nourrit qu'une fois par jour, vers midi, d'une soupe ou quelque chose de non-consistant. Pour que je puisse le boire directement au bol. Les couverts seraient une arme certaine. Ils ne sont donc pas autorisés, ici. Je suis dangereuse, c'est vrai. 

Et je déteste cet endroit surtout parce qu'il me laisse le temps de penser. Toute la journée, je ne fais que ça et je me plonge dans mon passé, dans les souvenirs que j'ai de Claire et du meurtre. Dans ma culpabilité et cette peur constante qui m'habite, qui je sais, est liée à ce moment précis. Au meurtre. J'ai tué quelqu'un. Comment pourrais-je être indifférente à cela ? 


Je crois devenir folle, mais en réalité, je n'en suis pas sûre. J'entends des voix, des cris. Et c'est sûrement les autres détenus. Oui, ce sont eux. La porte s'ouvre sur un garde, qui me regarde un instant, avant de faire glisser un plateau sur le sol. La lumière m'ébloui presque, me faisant grogner. Je me suis peut-être accoutumé à l'obscurité. C'est sûrement là qu'est ma place. La porte se referme quelques instants après, alors qu'une lumière s'allume. J'ai dix minutes pour manger, ensuite elle s'éteindra à nouveau et le plateau me sera retiré. Et je serais seule à nouveau. 


Je suis seule dans la chambre. Je ne sais pas ce que j'attends. Qu'elle revienne, qu'elle vienne me dire qu'elle est désolée. Alors qu'au fond, je sais qu'elle ne le fera pas. Bien sûr qu'elle ne le fera pas. Elle ne s'est jamais excusée de rien. Elle n'a jamais éprouvé de regret. Et pourquoi le ferait-elle pour moi ? Elle est... Mieux. Beaucoup mieux. Elle a raison de ne pas se soucier de moi et je ne devrais pas lui demander de le faire. Je m'assois sur le lit, essayant de m'occuper. Je devrais simplement... Attendre qu'elle revienne, attendre que la fête se termine. Oui, je devrais l'attendre. 

Un bruit sourd à l'entrée de la pièce me fait relever le regard. Claire est là, elle me regarde de ses yeux presque totalement noirs, dilatés. 

–– Claire ? 


Merde, je vais devenir dingue ici, s'ils me laissent une seconde de plus dans cet endroit. Il doit rester deux jours, je crois. Peut-être plus. Dans tous les cas, je crois que je commence à perdre la tête. J'entends des bruits, des voix. C'est tellement désagréable de se retrouver enfermée dans un endroit, sans rien pouvoir faire, sans pouvoir même voir. Je déglutis, alors que des cris me parviennent. Ce n'est pas possible. La pièce est isolée. Je passe une main nerveuse dans mes cheveux gras. Ce n'est pas possible. Je ferme les yeux, nerveuse. Ce n'est que mon imagination. Je laisse échapper un long rire. Bien sûr que ce n'est que mon imagination. Je deviens folle. J'entends des voix, merde.


Ma bouche est totalement sèche et je me sens comme si je n'avais pas bougé depuis des siècles. Mes membres sont endoloris et mes muscles faibles. Je crois que je ne mange pas assez, mais en réalité, le manque de mouvement doit être le premier problème. Et ces voix et ces cris. Le silence et l'obscurité me montent à la tête. J'ai besoin de sortir d'ici et rapidement. Je vais finir... Totalement folle. Et il ne me reste qu'une journée. Une journée est beaucoup trop. 


Je suis couchée sur le sol, en boule et je tremble. J'ai froid, je crois. Et une peur venant de je ne sait où m'a envahie il y a... Je ne saurais le dire, je n'ai plus aucune notion de temps. Je n'arrête pas de rêver. Le meurtre me revient en tête, en permanence. Et les cris que Claire poussait. C'est eux que j'entends. Ces cris affreux, qui me répugnent, qui me font me sentir faible, incapable. Il faut que je parte d'ici. Il faut que je m'en aille. Mes tremblements redoublent alors que je sens une main courir le long de mon dos. Un long frisson de dégoût me traverse. 

ClaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant