𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄

770 43 4
                                    

" La mort est douce: elle nous délivre de la pensée de la mort. "

Jules Renard .

Athélia,

25 Décembre 2009, soit quatorze ans plus tôt :

Le silence. Un silence si lourd qu'il résonne dans mon crâne, effaçant les dernières notes de vie qui se débattaient encore quelques secondes plus tôt dans cette chambre. Le monde autour de moi s'efface, se rétrécit, jusqu'à n'être plus qu'une simple scène figée. Je ne ressens rien, juste le froid. Le froid qui s'infiltre dans mes os, qui envahit ma peau, qui consume tout jusqu'à m'éteindre.

Je ne comprends pas. Mes jambes sont figées, mes bras aussi. J'aimerais faire un geste, crier peut-être, m'enfuir, mais le poids de l'horreur m'écrase et me cloue au sol. Le corps de ma mère inerte se trouve devant moi, déformé par la violence. Ses yeux sont grands ouverts, fixés sur le plafond, sans vie. Son visage est figé dans une expression de terreur, sa bouche tordue comme si elle avait voulu hurler une dernière supplication muette. Mais il l'a fait taire. Elle ne criera plus jamais.

Et lui... Mon père.

Je veux détourner les yeux, mais je ne peux pas. Je le vois se tenant debout au-dessus de son corps, comme un roi victorieux, sa respiration haletante, son haut taché de sang, les éclaboussures qui forment une constellation étrange sur sa chemise blanche. L'air est lourd d'une odeur de fer, de sueur et de mort. Son sourire étire ses lèvres, un sourire presque serein, satisfait, comme si cette scène atroce venait de lui apporter une sorte de paix ou de plaisir. Il savoure, je le vois bien. Il savoure ce moment, cet instant de toute-puissance où il a pris le pouvoir ultime sur elle, sur nous tous.

- Joyeux noël ma chérie...

Mes doigts tremblent, mes jambes refusent de bouger. Mes pensées se bousculent, chaotiques, mais une question flotte, brûlante : pourquoi ? Pourquoi ? Nous sommes sa famille... sa famille ! Je cherche quelque chose en lui, un semblant d'humanité, quelque chose de familier. Mais il n'y a rien. Rien d'autre que ce sourire horrible qui déforme son visage.

Je me sens éclatée en morceaux, réduite en poussière. Quelque chose en moi se brise, quelque chose que je ne saurais jamais vraiment recoller. Un goût amer monte dans ma gorge, mes yeux brûlent, et pourtant, aucune larme ne coule. Il n'y a plus de larmes, plus d'émotion, rien. Je suis figée, comme morte moi aussi. Une coquille vide.

Dans un élan de désespoir, je lève les yeux vers lui, espérant... je ne sais pas... qu'il se rende compte de ce qu'il venait de faire, qu'il soit saisi de remords, qu'il me dise que tout cela n'est qu'un cauchemar dont je vais me réveiller. Mais son regard croise le mien, et au lieu de regret, je vois cette étincelle perverse dans ses yeux. Cette étincelle qui me glace le sang.

Il penche la tête, ses lèvres étirées dans une expression moqueuse.

- Quoi, tu as peur de moi maintenant ? dit-il d'une voix basse et traînante.

Il avance vers moi. Un pas. Mon corps se raidit, mes mains se crispent le long de mon corps. Je voudrais reculer, m'échapper, mais mes pieds restent collés au sol. Je suis une statue, une spectatrice impuissante.

- Je t'ai fait peur ? continue-t-il, amusé, presque tendre.

Il avance encore, et tout mon corps se tend sous la menace implicite. Chaque fibre de mon être me hurle de fuir, de me cacher, mais je suis pétrifiée. Quand il est assez proche, son odeur de sueur et de sang emplit mes narines.

Il approche sa main, et je ne peux retenir un frisson qui me secoue des pieds à la tête. Sa main s'arrête un instant dans les airs, hésitante, presque douce, avant de venir se poser sur ma joue. Son pouce trace un cercle lent contre ma peau, un geste qui aurait pu paraître protecteur, rassurant. Mais à cet instant, il n'est rien d'autre qu'une torture.

𝐀𝐍𝐆𝐄𝐋 𝐂𝐀𝐈𝐃𝐎 [ EN REECRITURE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant