Partie 18 - Le village.

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Guillaume observait avec un air d'effroi le paysage qui se présentait devant lui. Le village était complètement détruit. Les maisons étaient en feu et des corps calcinés jonchaient le sol partout où il pouvait poser les yeux. Il descendit de son cheval lentement, les yeux rivés sur le drapeau royal qui traînait au sol devant la mairie, piétiné et déchiré en deux. Il attrapa la longe de son cheval et marcha doucement à travers les corps au sol, les larmes lui montant aux yeux à leur simple vue : tout un village anéanti, et tout ça pour quoi ? Pour avoir refusé de prêter allégeance à la République, reniant pour cela leur foi et leur roi ? Et surtout combien de temps... combien de temps cela faisait-il que les colonnes de la Terreur étaient passés ? Il tomba à genoux au sol en fermant les yeux en pensant à ces dernières et aux milliers de morts qu'elles avaient fait depuis trois ans. Les colonnes infernales. Les Républicains convaincus de l'Armée de la République qui passaient dans les villages et y mettaient le feu s'ils voyaient qu'il n'y avait rien à en tirer. Des villages rebelles à soumettre. Pour rester attachés à leur roi. Il vit alors le visage d'Aurélien derrière ses paupières en pensant à ça et il baissa la tête en sentant quelque chose sous ses genoux. Il ramassa un doudou de piètre allure qui avait sûrement dû appartenir à un des enfants du village et il éclata violemment en sanglots. Est-ce qu'ils étaient morts parce qu'ils avaient accepté de les aider ? Ils les avaient... condamnés ? Il frissonna en se rappelant soudain que oui, c'était bien ce village dans lequel ils étaient venus se cacher deux semaines plus tôt et que alors, peut-être, s'ils étaient morts ce n'était pas seulement car ils étaient restés royalistes... mais parce qu'ils les avaient cachés. Il se releva alors précipitamment en pensant à ça et lâcha le doudou qu'il tenait dans ses mains avant de remonter sur son cheval, le visage rieur du jeune roi apparaissant dans son esprit. Aurélien. Est-ce que lui aussi était en danger ? Il n'y avait pas une minute à perdre.

***

« Aurél !! »

Il sauta de son cheval en voyant la porte d'entrée de chez leur hôte ouverte et se rua à l'intérieur de la maison, celle-ci débouchant sur la cuisine. Il recula aussitôt en voyant le couple de paysans qui les avait accueillis morts, dans une flaque de sang. Il fut pris de nausée et ressortit de la maison en mettant une main devant sa bouche. Morts. Ils étaient morts. Tous les deux. Alors... Aurélien...? Où était-il ? Il sentit ses yeux se mettre à lui piquer alors qu'il s'imaginait le pire, ne sachant pas où chercher le plus jeune, quand il vit du coin de l'œil la porte ouverte de l'étable. Aurélien adorait prêter main forte à la fermière là-bas, il le savait, et il s'élança vers l'étable, le cœur battant la chamade dans sa poitrine à la seule idée qu'il puisse l'y trouver :

« Aurél ! Dis-moi que t'es là...! Aurél !! »

Il s'arrêta net de courir lorsque ses yeux se posèrent sur la silhouette inerte du plus jeune à même le sol, dans le foin et surtout, à côté de celle d'une autre personne. Il se rua sur Aurélien sans même prêter attention à la deuxième personne, ayant remarqué – et ça lui suffisait – que celle-ci semblait morte.

« Aurél... Aurél...! Réponds-moi, je t'en supplie ! l'appela-t-il en le prenant dans ses bras et il passa une main tremblante dans sa frange noire afin de dégager ses yeux, bien qu'ils soient fermés. Qu'est-ce qu'il s'est passé...? Qu'est-ce qu'il s'est passé !! Réponds-moi... »

Il se pencha vers Aurélien pour déposer un baiser désespéré sur son front avant de relever la tête, les larmes aux yeux. Ses yeux se posèrent alors sur une épée ainsi qu'un pistolet sur le sol entre Aurélien et l'autre personne dont il ne pouvait pas voir le visage allongée comme elle était, et il secoua la tête d'un air terrorisé.

« Non... Non, non, non... Tu m'entends ? Tu n'as pas le droit de me faire ça, Aurél ! Je sais que je n'étais pas là alors que je t'avais promis de toujours être près de toi pour te protéger mais... me fais pas ça, je t'en supplie... »

Il ne s'était pas rendu compte que sa main droite avait migré sur la poitrine du plus jeune pendant son monologue mais, soudain, il sentit cette dernière trembler doucement sous ses doigts et il baissa le visage pour observer cette dernière.

« Gui...llaume...? entendit-il alors Aurélien l'appeler d'une voix faible et il écarquilla les yeux en remontant ses yeux sur son visage.

— Au-Aurél...?

— Guillaume...? C'est toi...?

— Oui ! Oui, c'est moi, mon roi ! Je suis là, je suis revenu, dit-il alors qu'il voyait le plus jeune entrouvrir les yeux péniblement.

— Je suis content... Tu es revenu...

— Bien sûr... Bien sûr que je suis revenu, Aurél, répondit-il en secouant la tête, les larmes aux yeux, en voyant le petit sourire qui ornait ses lèvres. Qu'est-ce qu'il s'est passé ici en mon absence ? Pourquoi... t'es blessé...? Comment j'ai pu laisser passer ça ? Pourquoi je n'étais pas là, merde...!

— Guillaume, je suis... désolé... s'excusa alors Aurélien et il fut pris de court en l'entendant lui dire cela.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Parce que... je l'ai tué... Je ne voulais pas mais... il m'a pas laissé le choix...

— De qui tu parles, Aurél ? Du soldat à tes côtés ? lui demanda-t-il et il fronça les sourcils en le voyant hocher la tête, les larmes se mettant à couler sur ses joues. Il a essayé de t'attaquer, non ? Tu n'as fait que te défendre, c'est normal...

— Il voulait... encore une fois... Je m'excuse, je n'ai fait que me défendre...

— Eh, je sais... Aurél, je sais... murmura-t-il en passant une main dans ses cheveux, la phrase encore une fois résonnant dans sa tête.

— Mais c'est... c'est ton frère, Guillaume... C'est Julien... Et je l'ai tué. C'était mon seul moyen de rester en vie. Je te demande pardon... »

Le plus jeune éclata en sanglots en disant ça et il le sentit se blottir contre lui alors qu'il sentait ses forces le quitter à sa seule mention. Son frère...? C'était... son frère...? Ce dernier avait encore essayé de s'en prendre à Aurélien ? De le tuer ? Il se tourna vers la silhouette inerte à ses côtés et l'observa en silence. Il n'avait eu que ce qu'il méritait dans ce cas, il n'allait pas pleurer pour lui. Depuis trois ans qu'il les traquait comme des bêtes... Le seul qui lui importait à présent, c'était Aurélien, et avec un peu de chance, tout ça serait bientôt fini. Aurélien vivrait et serait couronné roi.

Fiction OrelxGringe - Royauté. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant