Parle à mon colt

645 51 4
                                    

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.


Hiyori


 —


          Merde. Je croise le regard de ce type. Celui qui se trouvait aux obsèques de Papy sans que je ne le connaisse. Le meilleur pote de Baji, d'après Mikey. Je ne sais pas ce qu'il fout aussi loin des quartiers contrôlés par le Tokyo Manji-Kai, mais je ne pensais pas croiser un d'eux ici.

Je planque le flingue que vient de me filer Koko, le second de la nouvelle génération de Black Dragon. Avec eux dans mes contacts, mes affaires iront mieux. Tellement mieux que cette mission pourra, à elle seule, me payer quelques mois dans une bicoque moisie. Je vais m'en sortir. Je m'en sors toujours. Je pourrais regarder Mikey dans les yeux, d'égal à égal, sans qu'il ne se sente obligé d'aider la pauvre pute des gangs. J'en ai marre de le déranger. Mais comme je suis incapable de le rayer de ma vie, étrangement, je veux au moins ne pas l'accabler de mes problèmes. Je vais régler cette affaire vite.

Je m'éclipse de l'autre côté de la rue pour éviter de croiser Chifuyu. Je ne veux pas qu'il prévienne Mikey. Le connaissant, il débarquerait en trombe et m'engueulerait pour être partie sans rien dire. Face à une tête de mule pareille, difficile de lui faire comprendre que je ne peux pas me reposer sur les autres. Ma vie, ma responsabilité. Je souris timidement en pensant à lui. Mais l'arme rangée dans la poche intérieure de mon manteau me ramène à la réalité. Je suis épuisée. Je ne dors qu'une heure par-ci par-là, au fond d'une ruelle sur une palette quand je suis certaine de ne pas me réveiller avec la queue d'un inconnu entre les cuisses. Travailler plus pour gagner plus. J'ai ramassé l'équivalent d'un mois de boulot en trois jours. Mais mes fringues sont pleines de sang et j'ai mal aux mains. J'ai le ventre noué constamment et envie de vomir. Je ne sais pas si je peux encore me regarder dans un miroir. Et après ça, ce sera pire.

Koko veut que je bute ce type. Un yakuza, pas très haut dans la hiérarchie de son clan, mais qui tente de se faire un nom en marchant sur les plates bandes des Black Dragon. Je ne comprends pas très bien pourquoi ils ne lui règlent pas son compte eux-mêmes. Depuis qu'un nouveau chef les dirige, ils se construisent une réputation bien plus sale que la mienne. Je dois probablement passer une sorte de test pour pouvoir bosser avec eux. Un test dangereux. Quelque chose va se briser en moi, j'en suis certaine. La dernière pointe de fragilité, d'humanité, que mon cœur renferme. Quelque chose de précieux à n'en pas douter. Mais je n'ai pas le choix. Les gens comme moi n'ont pas ce luxe. Soit je crève dans un coin la gueule ouverte, soit je me bats. J'ai toujours imaginé la première solution. Mais depuis que ma route a croisé celle de ce blondinet, je me dis qu'il doit me rester quelques journées sympas à vivre. Je comprends pourquoi plus d'une centaine de gars le suivent sans broncher.

Mes mains commencent à trembler. Me voilà arrivée au point d'impact. Une intersection mal foutue, où le trottoir s'enfonce légèrement dans la ruelle que j'occupe. D'après mes informations, ma cible devrait sortir du bar... Maintenant. Alors qu'il passe sous un lampadaire, je le vois tituber. L'attirer n'en sera que plus simple. Je prends une grande inspiration sans penser à la suite. J'attends qu'il arrive à ma hauteur et attrape sa manche pour le tirer vers moi.

 Je suis perdue, chuchote-je en restant dans l'ombre pour ne pas qu'il voit le sang qui macule mes vêtements.

Le sourire vicieux qui s'inscrit sur son visage me dégoûte. Je l'amène à s'enfoncer un peu plus dans cette ruelle, à l'abri des regards. Un peu plus loin, encore un peu. Parfait. D'une main, je ramasse un pavé au sol et l'écrase contre sa tempe dans l'espoir qu'il tombe dans les vapes.

Sans réfléchir de trop, je défais sa cravate pour lui nouer autour de la bouche et l'empêcher de hurler, puis je le cale contre un mur. Aucun bruit ne me parvient ici, sauf ses gémissements.

Il ouvre difficilement un œil, sans comprendre ce qu'il se trame autour de lui. L'alcool ne doit pas aider. Mon palpitant s'emballe. Mon envie de vomir se fait de plus en plus insistante. Je m'apprête à tuer quelqu'un. Cette simple pensée me terrifie. Pourtant, lorsque la mission m'a été proposée, je n'ai pas hésité. Je crois que je sais trop ce qu'est la valeur de l'argent, et pas assez celle d'une vie. Ce doit être un peu plus que le montant que je donnerais à la mienne... C'est-à-dire pas grand-chose. Je me fonds dans la violence du monde sans détonner.

Je dégaine l'arme de ma veste. Dire que le beau cuir que Papy chérissait tant sert à cacher un flingue. Quel gâchis. Ma main ne tremble plus. Et ça aussi, ça me donne la chair de poule. Est-ce que j'ai quand même le droit de vivre, si je tue quelqu'un ? Me voilà dans une impasse. Je me demande si je vais être capable de continuer ma vie comme si de rien n'était après ça. Alors que je tends mon bras vers l'homme à demi-inconscient, il capte enfin la situation. Son corps se tend, son visage se crispe et ses yeux me fixent avec une émotion que je ne connais pas. Il ne me lance pas ce regard de haine que j'ai tant supporté, ni de tristesse. Il meurt de trouille. Non. C'est plus que ça. Il me supplie, m'implore.

Je voudrais lui demander son âge, s'il a une famille, ce qu'il aime dans la vie, pourquoi il boit tous les soirs dans ce bar... Mais ça n'a aucun sens, puisque qu'il va mourir de ma main. Mon doigt sur la détente, je sens un liquide chaud couler sur mes joues. Je pleure, en silence. Quelle ironie. C'est lui qui va mourir et c'est moi qui chiale. Je ne suis vraiment qu'une enflure.

 Hiyori !

Mon cœur s'arrête à la seconde où j'entends Mikey crier à ma droite. Éclairé par la lumière de la lune, je croise son regard. Et dans cette violence qui m'assaille, la douceur s'impose. Peut-être que j'ai tout faux. Peut-être que, justement, si j'appuie sur cette détente... Je n'oserais plus jamais le regarder dans les yeux.


 —


[Tous les titres de cette fanfiction viennent de quelque part : d'une citation, d'un bout de dialogue d'un film, d'une musique, d'une expression populaire ou intimiste... Si l'envie vous en dit, vous pourriez les retrouver !

Ici, je vous donne la solution, c'est le scénariste Michel Audiard qui m'a offert ce titre qui colle, je trouve, parfaitement à la situation.]

]

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.
La pute des gangs [Mikey X OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant