Chapitre 14

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Une fois seuls dans le couloir, Charles pose la lame du couteau dans le dos de la princesse. Il s'approcha de son oreille blessée et murmura :

            - Inutile d'utiliser vos pouvoirs, très chère.

            Olympe frissonna. Comment pouvait-il être au courant ? Elle ne dit rien, gardant une expression neutre ne lui laissant pas la satisfaction de lire en elle. Les deux rivaux descendirent dans les sous-sols de l'hôtel, tout au bout des escaliers. Il n'y avait aucun étage inférieur à celui où se trouvait le bureau de Charles et au fur et à mesure qu'ils descendaient, les murs devenaient plus sombres, presque noirs, et l'atmosphère plus froide...

            Le chef des Fylis ouvrit la porte de son bureau à l'aide d'une petite clé mais n'alluma pas les lumières. Olympe le suivit à l'intérieur, se répérant uniquement grâce à la lueur de quelques bougies. Elle fut bouche bée par ce bureau. Une immense fenêtre occupait tout un mur, donnant sur le vide de la fin du monde. La princesse remarque que la vitre coulissait et qu'ainsi, n'importe qui pouvait tomber. De nombreuses rangées de livres habillaient le mur du fond, laissant une ouverture pour une petite porte qui devait donner sur les appartements du chef. Au centre de la pièce, trônait un immense bureau en bois foncé, encombré de centaines de papiers qu'Olympe ne prit pas la peine de déchiffrer. Dans un coin, se trouvaient deux petits fauteuils vert émeraude. Les murs et le parquet étaient entièrement boisés dans une teinte foncée,

            Charles pris place dans le grand fauteuil derrière son bureau et n'invita pas Olympe à s'asseoir. Il se contenta de l'observateur, comme intrigué par sa personne. Plus la princesse observait ce bureau, plus elle était intriguée. Quelque chose clochait et elle ne savait pas quoi. Car tous les couloirs de l'hôtel étaient peints dans ces tons foncés, bordeaux, bleu marine ou même gris. Cette pièce dégageait toutefois quelque chose de spécial que la princesse n'arrivait pas à expliquer. Elle concentra alors sur son attention sur Charles, le chef mystérieux des Fylis aux cheveux blonds extrêmement clairs. Elle avait bien compris qu'elle le mettait en colère car il n'arrivait pas totalement à la maitriser, pourtant son regard posé sur elle en ce moment dégageait autre chose.

            Olympe attrapa l'un des fauteuils sans rien demander à Charles et le plaça devant le bureau. Elle s'y assit. A présent, ils étaient tous les deux à même hauteur, la discussion pouvait commencer.

            - Que voulez-vous ? demanda-t-elle, certaine qu'il ne commencerait pas la conversation sinon.

            - La situation a été étouffée. Personne n'est au courant de votre secret, princesse Olympe.

            - De quoi parlez-vous donc ? demanda Olympe alors qu'elle savait très bien de quoi il s'agissait.

            C'est alors que Charles détourna le regard et attrapa la main de la princesse par-dessus le bureau. Il regarda sa paume, puis elle, désignant les traces de sang noir sur sa peau. Olympe se tendit. Elle ne savait pas comment il avait su et cela l'effrayait beaucoup. Si il savait cela, que savait-il d'autre ? Olympe plongea son regard dans celui du chef des Fylis, sondant la moindre expression sur son visage.

            - En voilà un plan malin, murmura-t-elle. Pourquoi ne me dénoncez-vous pas ? Ainsi le roi tombera pour avoir caché une Herumor sous son toit pendant vingt ans tandis que vous, vous vous débarrasserez de moi, étant donné que j'ai l'air de tant déranger vos habitudes.

            - Vous ne nous dérangez pas, dans lequel cas, nous vous aurions déjà relâché. 

            - Faux. Si vous me relâchez maintenant votre plan ridicule divise ses chances déjà quasiment inexistantes de fonctionner par dix. Pour qui me prenez-vous Charles ? Ne pensez-vous pas qu'à la minute où vous m'avez annoncé vos intentions, mon cerveau n'a pas tout analysé ? Croyez-vous sincèrement que je n'ai pas écouté tous vos moindres mots ? Cela prouve encore une fois votre ignorance, je suis navrée.

            - Arrêtez de vous sentir supérieure à nous tous parce que vous êtes une princesse. Vous essayez simplement de nous déstabiliser pour que nous vous relâchions alors que vous êtes parfaitement consciente que notre plan est infaillible.

            Olympe retrouva son sourire carnassier, qui fut toutefois mêlé à une pointe de tristesse. S'il ne la croyait pas, elle allait devoir tout lui expliquer. Jamais la princesse n'avait voulu en arriver là, mais elle sentait qu'elle en avait besoin pour être prise au sérieux par les Fylis. Or elle n'avait jamais livré son passé d'une telle manière et ne savait pas si elle en était capable. Elle prit une grande inspiration et plongea son regard dans celui du chef des Fylis.

            - Le roi Eli d'Arcalya ne me cherchera même pas, Charles, fit-elle d'une voix remplie d'émotions contradictoires. Vous vous trompez sur toute la ligne. Je n'ai pas volontairement évité de sortir du château durant toute ma vie. Ce n'était pas par choix, pour faire éco à ce que vous avez laissé entendre au repas. J'étais captive pendant vingt ans, exactement comme je le suis maintenant.

            Olympe aurait pu s'arrêter là mais ce début de récit ouvrait de vieilles blessures qui la forcèrent à continuer, sous le regard intrigué et surpris de Charles.

            - Pendant vingt ans, j'ai dû œuvrer avec Mary, ou plutôt Ruby, pour survivre au château. Une princesse aux cheveux noirs n'est pas une princesse comme les autres. Mon père ne voulait pas de démons au pouvoir, et ce malgré les centaines de tests qui affirmaient que je n'avais aucun démon dans le ventre. A l'âge de sept ans, je me cachais dans le placard pour échapper au premier tueur à gage que mon père avait engagé contre moi. Le premier d'une longue liste. A l'âge de neuf ans, mon père levait pour la première fois la main sur moi, frustré que sa tentative de meurtre n'ai pas marché. L'année de mes dix ans a été la pire. Le prince Zéphyr est né, en parfaite santé, les cheveux blanc, garçon : héritier parfait. Les tueurs à gage venaient presque tous les mois pour me trouver, j'avais pris l'habitude de me cacher avec Ruby. Puis, le roi a commencé à me frapper régulièrement, pour étouffer sa colère bien trop présente. Je pourrai m'éterniser sur le sujet mais là n'est pas le but de notre conversation. Non je ne dis pas cela pour que vous me relâchiez. Je dis cela car tout ce que vous avez fait en m'enlevant, est rendre service au roi en me faisant disparaitre. Vous lui avez simplement donné ce qu'il voulait. Bravo, Charles. Mission réussie.

            Olympe se leva, elle avait perdu toute trace de sourire. Elle applaudit lentement, reculant vers la porte. Avant qu'elle ne quitte le bureau, Charles murmura :

            - Je ne dirai rien pour votre condition d'Herumor, personne ne saura. Et ne me demande pas pourquoi, certaines fois on fait des choses qui ne s'expliquent pas.

            Olympe referma la porte du bureau de Charles.

Arcalya - tome 1Where stories live. Discover now