Chapitre 18

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Olympe attendit la nuit. Elle attendit que l'horloge de sa chambre affiche minuit, afin de respecter l'apogée de la lune, et l'heure à laquelle les Fylis l'avait enlevée. Elle se vêtit des vêtements les plus sombres de ce que Daphnée lui avait cousu : un pantalon brun foncé et un débardeur noir. La princesse enfila une paire de bottes et se dirigea dans la salle d'eau où elle attacha ses longs cheveux noirs en une queue de cheval basse. Elle remarqua alors pour la première fois la vivacité de la noirceur de ses cheveux... Lorsqu'elle vivait au château, sa chevelure était d'un noir foncé, mais terne. A présent, elle était si vive, si brillante et si sombre qu'Olympe en eut le souffle coupé. Jamais elle n'avait vu un noir pareil.

Olympe ne se laissa pas impressionner. Elle glissa un des couteaux qu'elle avait dérobé au repas du soir et attrapa le chandelier qui lui servait de lampe de chevet. Après avoir soufflé sur les bougies, la princesse ouvrit la porte violement et abattit le luminaire sur la tête du gardien. L'homme tomba dans un craquement, s'évanouissant sur le coup. Elle l'enjamba sans aucun scrupule, elle l'avait dit : Olympe d'Arcalya ne perdait jamais et jouait selon ses propres règles. Elle jeta néanmoins un regard vers sa victime et constata qu'il s'agissait de Natas, le frère de Saphir, l'homme sur qui elle avait lancé un couteau au château. Décidément, le sort avait décidé qu'elle s'acharnerait sur lui. Olympe le traina à l'intérieur de sa chambre afin de gagner du temps si les Fylis passaient par là. Voyant qu'il reprenait connaissance, elle murmura à son oreille :

- Ne prenez pas cela personnellement.

Puis elle lui assena un nouveau coup de chandelier, faisant couler le sang de sa tempe. Elle quitta ensuite la chambre, refermant la porte sur presque un mois de captivité. Olympe traversa le couloir d'un pas vif mais discret. Elle avait le cœur battant mais un sang-froid inébranlable.

Soudain, une main se plaça sur la bouche de la princesse qui fut tiré en arrière. Elle se vit seulement emmener dans une chambre, puis son ravisseur la lâcha. Elle se retourna alors, la main sur son couteau, prête à frapper. Telle fut sa stupeur lorsqu'elle se retrouva face à Daphnée et Marceau.

- Lâche ce couteau, fit Marceau, les mains en avant.

Olympe n'obéit pas, le cœur serré toutefois, espérant ne pas avoir à s'en servir. Daphnée s'avança alors, un sac à dos dans les mains. Elle lui tendit, ainsi qu'une dague, beaucoup plus longue et résistante que son pauvre petit couteau de cuisine. Olympe la dévisagea, ne comprenant pas. La jeune femme expliqua :

- Tu vas devoir traverser le Désert Aride, Olympe. Beaucoup n'en ressortent pas vivants. Voilà un nécessaire de survie. Tu y trouveras majoritairement des provisions.

- Comment saviez-vous ? demanda la princesse, angoissée à l'idée que d'autre soient au courant.

- Charles nous a demandé de surveiller le couloir pour la semaine, expliqua Marceau. Il avait visiblement encore vu juste.

- Nous te laissons jusqu'à l'aube, ajouta Daphnée. Ensuite, nous préviendrons Charles que tu manques à l'appel.

Olympe prit Daphnée dans ses bras, lui murmurant des remerciements. Elle sera ensuite poliment la main de Marceau, lançant des regards remplis de sous-entendus concernant son amante.

Ensuite, les yeux pleins de nostalgie face au bon temps qu'elle avait passé avec les deux Fylis, elle quitta la chambre sans se retourner. Olympe devait retrouver son cœur de pierre et effacer tout trace d'émotion pour parvenir à ses fins. Il n'y avait pas d'autre moyen d'y parvenir. Elle remonta les escaliers discrètement, et à son grand soulagement, ne croisa personne. Lorsqu'elle arriva devant la porte de l'étage le plus haut de l'hôtel, elle prit une grande inspiration, il était temps de quitter le vide de la fin du monde pour de bon.

Elle ouvrit doucement la porte et se glissa jusqu'au hamac dans lequel Alphonse était paisiblement endormi. Il ouvrit brutalement les yeux en l'entendant arriver, la terreur se lisait dans son regard. Elle se pencha au-dessus du petit garçon, un doigt sur la bouche.

- Soyez gentil, murmura-t-elle, ne dites rien. Ainsi, vous serrez débarrassé de moi une bonne fois pour toute. Je ne compte pas revenir cette fois-ci.

Le petit garçon hocha la tête et se recroquevilla dans son hamac, n'osant pas faire le moindre mouvement. Comme la fois précédente, Olympe enfila sa botte dans la boucle de la corde et d'une main dont elle tentait de contrôler les tremblements, appuya sur le bouton rouge, le même qu'avait pressé Alphonse. La corde se tendit directement, attirant Olympe vers l'ouverture du plafond.

Olympe émergea alors dans le noir opaque de la fin du monde, l'air frai de la nuit lui fouettant le visage. A ce moment, seule face au monde et à l'énormité du vide sombre, Olympe se sentit vivre. Plus que jamais, elle se sentait elle-même.

Alors qu'elle s'écroula sur le sable du Désert Aride, Olympe prit une grande inspiration. C'était le moment. Le moment ou elle s'échappait d'une prison, mais surement pas pour en rejoindre une autre. Car Olympe ne retournerait jamais au château d'Arcalya.

La princesse se mit à courir. Cette fois, plus personne ne la rattraperait.

Arcalya - tome 1Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora