Arcalya - tome 1

Chapitre 31

Olympe ouvrit les yeux, ne sentant plus son corps, bien trop engourdi. Elle leva la tête difficilement tant elle lui paraissait lourde et observa le bureau de Charles. Tout était sans dessus-dessous. Les feuilles qui encombraient le bureau jonchaient le sol à présent. Les livres de la bibliothèque étaient éparpillés partout dans la pièce et certains étaient éventrés. Olympe se mit à genoux et chercha Charles du regard. Elle le trouva recroquevillé au fond du bureau, contre le mur. Il avait retiré sa chemise pour l'enrouler autour de ses avant-bras. Ses yeux étaient clos mais Olympe savait qu'il était conscient et ne dormait pas. Les souvenirs se frayèrent alors un chemin l'esprit de la princesse qui se remémora le passé de Charles et même la puissance des ténèbres qu'elle avait en elle. Elle observa alors ses bras qui avaient retrouvé leur pâleur habituelle. Son visage était poisseux de sang noir. Un frisson remonta sa colonne vertébrale : la soirée n'avait pas été très calme...

- Charles ? murmura-t-elle. Est-ce que tout va bien ?

Elle vit alors le chef des Fylis ouvrir lentement les yeux et la fixer. Elle fut frappée par l'intensité de son regard, bien trop foncé. Mais par-dessus tout, elle fut frappée par la panique qu'elle pouvait lire dans ses yeux. Olympe se rapprocha alors de lui, traversant le bureau à quatre pattes, incapable de se relever. Charles la regardait arriver, sans bouger. Quand elle fut assez proche, il déroula sa chemise, laissant apparaitre ses avant-bras... Olympe leva des yeux qu'elle ne voulait pas horrifié vers lui : ils étaient devenus noirs. Un noir extrêmement foncé. Le même que le vide de la fin du monde. Un noir de démon. Un noir de ténèbres.

- Il fallait que je vous sauve, souffla-t-il. Je n'avais pas le choix.

Olympe plongea son regard dans le sien.

- Je ne pourrai plus jamais sortir de ce bureau.

Olympe posa tendrement une main sur son avant-bras, les larmes aux yeux. Puis son autre main vint se loger sur sa joue. Le regard des deux démons étaient à présent comme accrochés dans une intensité insoutenable. Lentement, Olympe s'approcha un peu plus du chef des Fylis. Lentement, ses doigts se rapprochèrent des lèvres du jeune homme, qu'ils effleurèrent. Puis ce fut au tour des lèvres d'Olympe, de lentement les effleurer. Charles n'attendit pas, lui. Il gravit les quelques millimètres qui séparaient leur deux bouches et s'abandonna à un baiser infiniment doux et désespéré. Un baiser qui arrêta le temps. Quand Olympe se détacha enfin de son amant, elle glissa sa main froide sur son torse musclé, le faisant frissonner, puis descendit jusqu'à son bras noir, autour duquel elle renoua la chemise. Elle ne le laisserait pas rester enfermer dans son bureau. Elle allait trouver une solution.

Ruby pénétra dans le bureau, haletante, et posa un regard horrifié sur Olympe et Charles. Daphnée arriva quelques secondes plus tard, une grosse trousse de secours dans les bras. Elle poussa un petit cri en apercevant le visage de la princesse, puis les bras du chef.

- Occupez-vous d'Olympe, ordonna Charles d'une voix sèche.

Celle-ci lui lança un regard désapprobateur. Elle allait bien. Du moins elle se sentait capable d'attendre un peu. Lui avait peut-être besoin de soins plus urgents. Cependant Daphnée et Ruby n'hésitèrent pas. Elles s'agenouillèrent auprès d'Olympe et commencèrent à lui nettoyer le visage afin de déterminer l'ampleur des dégâts. Les gestes de Daphnée étaient doux et précis tandis que les gestes de Ruby étaient familiers et rapides. La doyenne des Fylis avait toutefois les mains tremblantes lorsqu'elle essuya le sang du visage d'Olympe, ce geste éveillant bien trop de souvenirs du château. Quand les deux femmes furent certaine qu'Olympe ne présentait aucune blessures graves, elles se tournèrent vers Charles et commencèrent à l'examiner, sans jamais poser les yeux sur ses bras. Celui-ci se laissa faire sans protester et attendit le verdict : lui non plus n'avait rien. Daphnée sortit toutefois un flacon vert de sa trousse de secours et força Charles et Olympe à en avaler deux gorgées chacun. Le liquide était acre et amer mais la princesse fit conscience à son amie. Daphnée sortit ensuite du bureau en assurant qu'elle allait revenir, laissant Ruby seule avec Charles et Olympe.

- Il ne me semble pas avoir demandé à Daphnée de venir, reprocha Charles à Ruby.

- Je ne suis pas infirmière et je ne savais pas dans quel était j'allais vous retrouver tous les deux. J'ai préférée pas perdre de temps. Daphnée sait tenir sa langue, personne ne saura que tu es un Herumor.

- Je n'ai plus confiance en elle depuis sa trahison.

Ruby soupira mais ne répondit rien. Même si elle comprenait Daphnée, elle ne pouvait pas en vouloir à Charles et ce n'était pas le moment de le contredire.

Au bout d'une dizaine de minutes, la porte du bureau de Charles s'ouvrit sur Daphnée, qui vint s'agenouiller près de son chef. Elle lui tendit une chemise blanche épaisse ainsi que des gants de la même couleur.

- Vas retirer le sang qu'il reste sur ta peau et essaye ça.

Charles obéit à l'ordre et se dirigea vers la salle de bain. Les trois femmes entendirent l'eau de la douche couler durant de longues minutes, puis le chef ressortit, vêtu de la chemise blanche qui parvenait à camouffler totalement la noirceur de sa bras.

- Merci Dia, fit-il d'une voix chargée de défit.

Mais Daphnée ne répondit rien, consciente qu'il était inutile de lutter contre Charles.