Chapitre 30

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- Sortez, murmura Charles.

Olympe ne bougea pas, observant le chef des Fylis qui n'était plus tellement différent d'elle.

- Sortez, demanda-t-il d'une voix plus forte.

Olympe resta là, l'observant. Elle savait que son propre aura de démon agissait sur lui. A présent elle comprenait tout. Voilà pourquoi les Fylis n'arrêtaient pas de lui répéter qu'elle avait perturbé Charles. Il avait senti dès le début, dès leur chute dans la fin du monde qui elle était, ou plutôt ce qu'elle était. Il avait su, et il l'avait évité pour ne pas se laisser attirer par elle. Pour contrôler sa condition d'Herumor qui le torturait intérieurement dès qu'elle se trouvait proche de lui.

- Sortez, hurla Charles, l'urgence crispant ses traits.

Olympe se décida enfin à bouger, sortant de la torpeur dans laquelle ses pensées l'avaient plongées. Alors qu'elle se dirigeait vers la porte, la pièce perdit toute sa lumière et tout devint sombre. Olympe se figea, incapable de faire un pas de plus. Elle sentit que les battements de son cœur se faisaient plus pressants. Ses mains se mirent à trembler et malgré l'obscurité opaque et oppressante du bureau, elle pouvait distinguer les lignes de ses veines sur son bras, noires, obscures, plus foncées qu'elles ne l'avaient jamais été. Olympe se débloqua et se dirigea vers la fenêtre ou devait se trouver Charles. Elle n'eut aucun mal à se mouvoir dans cet univers insondable.

Le chef des Fylis était recroquevillé sur le sol. Une fumée noire sortait de tous les orifices de son visage : la bouche, le nez, les oreilles et même les yeux. Olympe s'agenouilla vers lui, refrénant l'envie insupportable de plonger dans le vide de la fin du monde qui se trouvait derrière la vitre. Elle murmura le nom du chef qui était maintenant secoué de violentes convulsions. Jamais elle n'avait assisté à une crise démoniaque. La princesse se sentit frissonner et s'écroula par terre. Peut-être qu'en plus d'en voir une pour la première fois, elle allait en vivre une également. Elle avait déjà vu ses pouvoirs sortir, mais elle n'avait jamais vécu ce que vivait Charles à cet instant. Olympe observa le chef et posa une main sur son avant-bras. A l'instant ou leurs deux peaux entrèrent en contact, Olympe sentit sa tête attirée vers l'arrière et ses yeux devinrent entièrement noir. Il n'était plus de question de pupille ou d'iris, tout était noir. Elle fut alors prise dans une trans indescriptible qui la conduit vers les souvenirs de Charles...

J'avais mal au ventre ce jour-là. Le jour où c'est arrivé. Maman m'avait expliqué qu'un démon sommeillait dans mon ventre et qu'il fallait l'empêcher de se réveiller car s'il se réveillait, il allait tout engloutir. Moi j'avais peur. Donc j'évitais de faire du bruit, craignant qu'il remonte. Mais ce jour-là, le roi avait fait trop de bruit pour mon démon. Il avait encore réduit les salaires et papa avait pleuré dans la cuisine. Maman m'avait expliqué qu'il avait peur de ne pas pouvoir nous nourrir mais qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Sauf que moi j'étais en colère. Ce roi vivait dans un château où il avait de la nourriture à ne plus savoir quoi en faire. Pourquoi n'était-il pas capable de partager ? Mais cette colère a réveillé le démon de mon ventre. Il est sorti alors que je n'étais pas prêt et il a tout engloutit, comme l'avait dit maman. Sauf qu'il a aussi engloutit maman. Et Papa. Et Marion, ma sœur. Et moi, Charles.

Olympe poussa un hurlement strident en s'extirpant du cerveau de Charles qui avait retrouvé sa contenance. Elle se recula et se cogna contre le bureau. Ses yeux étaient encore noirs et ses bras encore striés de zébrures de la même couleur. Son sang battait dans sa tête et commença à s'écouler le long de sa joue, sortant de son nez, ses yeux, ses oreilles et même sa bouche.

Charles se précita vers la princesse et prit sa tête dans ses mains. Son pouvoir était trop puissant pour son corps. Elle devait apprendre à le contrôler sinon elle serait engloutie, exactement comme lui l'avait été. Il murmura son nom, tentant de la faire revenir dans le monde actuel. Il fit son maximum, pour aspirer ses propres ténèbres qui assombrissaient toujours légèrement le bureau mais rien n'y faisait, Olympe était toujours inerte.

Alors qu'Olympe se tordait dans tous le sens, Charles se précipita à son bureau et arracha une page de livre sur laquelle il écrivit « alerte noire ». Il glissa ensuite la feuille dans un petit compartiment qui l'envoya aux étages supérieurs de l'hôtel. Il fallait que Ruby le trouve. Il avait besoin d'aide. Il ne pouvait pas laisser mourir Olympe.

Le chef des Fylis se rapprocha de la princesse. La jeune femme gesticulait sous la torture que lui infligeait la douleur de ses pouvoirs. Son visage était couvert de sang noir qui sortait abondamment de tous les orifices de son visage. Charles ne savait que faire face à la détresse et l'urgence de la situation. Elle allait mourir. Son cœur était sur le point de s'arrêter. Il s'agenouilla auprès d'elle et prit sa tête dans ses mains. Il fallait tout tenter. Il fallait la sauver.

Alors Charles attrapa du papier qu'il utilisa pour boucher les oreilles d'Olympe.

Il pinça son nez pour couper sa respiration.

Puis il se jeta à l'eau.

Il posa ses lèvres sur les sienne, aspirant une grande bouffée d'air directement dans la bouche d'Olympe.

Aspirant la douleur de la jeune femme.

Aspirant la mort.

Arcalya - tome 1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora