Chapitre 23

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Une semaine plus tard, lorsque Daphnée décida qu'elle était en état de sortir de l'infirmerie, Olympe regagna sa chambre. La blonde avait insisté pour l'accompagner, voulant s'assurer qu'elle se sente bien.

Olympe ouvrit la porte de sa chambre et s'arrêta sur le palier. Des dizaines de livres recouvraient la commode contre le mur, ainsi que des feuilles et des crayons. La princesse se tourna vers son amie, ne comprenant pas.

- Nous sommes-nous trompées de chambre ? demanda-t-elle.

- Charles respecte toujours ses accords, répondit Daphnée, rayonnante de bonheur.

- Cela ne faisait pas partie de notre accord...

- Ne devais-tu pas être traitée telle une Fyli ?

Olympe comprit, toutefois étonnée que Charles ait autant le sens du détail. Elle s'approcha de la commode, observant les livres de romances. Ruby avait dû mettre son grain de sel dans la préparation de sa chambre. Olympe sourit, impressionnée. Personne n'avait jamais fait cela pour elle. Elle ouvrit les tiroirs de la commode : ils étaient remplis de vêtements. De toutes les couleurs, de tous les genres : sports, habillés, décontractés, moulants, larges. Il y avait de tout. Olympe se tourna vers Daphnée qui sautillait sur place.

- Ça te plait ? demanda-t-elle, un large sourire sur le visage.

- Bien sûr, Daphnée c'est merveilleux. Merci beaucoup, je n'en attendais pas tant.

Daphnée serra Olympe dans ses bras et la salua, elle avait du travail. Elle quitta la pièce, laissant la princesse admirer sa chambre qui semblait nouvelle et surtout vivante. La façon dont Charles et même le reste des Fylis avaient radicalement changé d'avis à son propos était très étrange. Olympe ne savait pas ce que Ruby avait dit pour retourner la situation de cette manière, mais c'était presque brutal.

Au bout de quelques longues minutes de contemplation, Olympe se décida à sortir de sa chambre. Rien ne devait l'en empêcher si Charles avait respecté sa part du marché. Elle poussa sa porte qu'elle trouva déverrouillée et fut surprise de ne trouver personne dans le couloir. Elle ne pensait pas qu'il aurait autant confiance en elle.

Olympe longea le couloir et se retrouva dans la cage d'escalier. Elle savait que si elle montait de deux étages, elle se retrouvait dans les salles de bain. Si elle montait de six étages, c'était la salle des machines où résidait Alphonse. Si elle descendait d'un étage, elle allait dans la salle à manger et enfin si elle descendait d'encore un étage, elle retournait à l'infirmerie et à la salle de couture de Daphnée. Encore plus bas se trouvait la toile pour entrer dans l'hôtel. Et enfin, quatre étages en dessous de sa chambre se trouvait le bureau de Charles. Olympe se décida donc à monter pour visiter les étages supérieurs. L'étage juste au-dessus était identique à celui où se trouvait sa chambre : une dizaine de porte sur lesquelles étaient gravées les prénoms des Fylis. Elle continua donc de monter, passant l'étage des salles de bain. Au-dessus, la visite devenait intéressante. Il y avait trois portes dans ce couloir gris et bleu : une bibliothèque, un salon et une salle de musique. Olympe pouvait entendre le rire des Fylis dans le salon et n'osa pas s'y aventurer, songeant qu'il était probablement encore trop tôt pour cela. Elle ignora la bibliothèque pour le moment, ayant assez de livre dans sa chambre, et se dirigea vers la dernière porte : la salle de musique. L'intérieur était blanc et lumineux, mais il ne rappelait en rien le château. Un canapé rond bleu marine occupait le centre de la pièce tandis que des instruments de toutes sortes étaient placés contre les murs. Il y avait un piano, des guitares, une batterie, des flutes, des tambours, une harpe et surtout, deux violons. Olympe se dirigea immédiatement vers ses instruments favoris. Elle n'osa premièrement que les regarder, puis en attrapa un, qu'elle cala entre son menton et son épaule, tentant de ne pas trop toucher sa gorge encore un peu douloureuse. Elle commença à frotter l'archer doucement sur les cordes puis, quand elle fut plus confiance, elle se laissa porter par la musique, jouant vigoureusement un morceau que le roi lui avait toujours interdit de jouer. Olympe oublia ses douleurs, elle oublia le roi, le prince, les Fylis, l'hôtel, la pression, la peur, la méfiance, la solitude, la trahison. Elle oublia ses émotions, elle oublia tout, ne pensant qu'à la musique qui résonnait dans la salle avec une telle puissance qu'Olympe sentait tout son corps trembler en rythme des accords. Elle ferma les yeux, se laissant porter par la mélodie, se remémorant le duo qu'elle formait avec sa mère qui jouait du piano. La musique. La musique qui avait toujours constitué sa seule échappatoire dans ce monde difficile. La musique qui l'avait sauvé durant les périodes les plus sombres. La musique et rien que la musique...

Alors elle enchaina les morceaux, retenant son souffle, revivant les moments les plus forts de son existence, son corps dans la salle de musique, son esprit à des années-lumière de ce lieu étrange.

Lorsqu'elle reposa le violon, Olympe perçut des mouvements dans sa vision périphérique. Elle releva la tête, apercevant Alphonse. Le petit garçon avait les yeux écarquillés et la bouche entre-ouverte. La princesse l'observa quelques secondes, ne sachant pas quoi dire, puis murmura son nom d'une voix pleine de douceur. Il s'enfuit, laissant la porte grande ouverte derrière lui. Comme dans un reflexe de grande sœur, Olympe partit à sa poursuite, appelant son nom. Elle le rattrapa à la cage d'escalier et l'attrapa par le bras pour qu'il s'arrête, ce qui n'était pas forcement sa meilleure idée. Le jeune garçon leva des yeux effrayés vers elle.

- Alphonse, s'exclama-t-elle. Je ne sais pas si tu comprends ce que je dis étant donné que j'ai vu les Fylis te parler en langue des signes et je me permets de te tutoyer. Cependant, je m'excuse. Sincèrement. Je suis consciente de t'avoir effrayé, ce qui n'était évidement pas mon but. Être enfermée à été une épreuve si intense et atroce que je devais m'enfuir.

Elle lâcha le bras du jeune garçon qui continuait de la fixer. Il hocha la tête et plongea sa tête contre son ventre, l'enlaçant de ses bras. Cette tendresse lui rappelait beaucoup Zéphyr et lui serra le cœur. Son frère lui manquait.

- Merci pour la musique, articula difficilement Alphonse. Merci reine Olympe.

Puis il la lâcha et gravit les escaliers en courant, manquant de percuter Victor qui descendait. Incrédule, Olympe fixa le Fylis. Alphonse venait-il réellement de parler ? L'avait-il vraiment appelée « reine Olympe » ? Victor approcha de la princesse et ria :

- Eh bien princesse, t'as réussi l'exploit d'apprivoiser Alphonse. C'est pas tout le monde ici qui peut dire pareil. Moi-même j'ai du mal parfois. Mais c'est un bon gosse, il est juste un peu dérangé par son passé. Il avait une place importante avant et l'avoir parmi nous cause quelques soucis au clan. Mais c'est un Fylis donc on l'protège, c'est la règle. Lui est Daph' se sont échappés il y a quelques années de la foret dense, on les a retrouvé dans le désert alors qu'on rentrait de mission. Comme certains d'entre nous étaient blessés et qu'ils étaient assoiffés, on a fait un marché. Leur vie en échange de notre sauvetage. Daph' savait déjà coudre à ce moment et Saphir était sacrément amoché à la jambe droite. Elle l'a soigné on leur a offert un toit et une protection. Puis comme on les aimait bien, et qu'eux aussi, on s'est adopté. Le gamin a jamais parlé. On connait pas le son de sa voix nous non plus donc t'en fais pas s'il te dit rien.

Olympe écoutait attentivement le récit de Victor, de plus en plus étonné des mots du petit. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi mais ses notes de violons avaient eu un impact sur lui qui l'avait poussé à parler. Mais Olympe ne pouvait pas l'expliquer.

- Où vivaient-ils, avant ? demanda-t-elle, tentant de comprendre.

- Je pense que c'est mieux que Daph' te raconte d'elle-même. C'est pas à moi de dire ces choses-là. Je pense avoir assez parlé déjà et j'en sais pas beaucoup plus. Ils restent évasifs sur ce sujet.

- Je comprends.

- Ne crois pas que c'est contre toi. Juste c'est son passé. D'ailleurs, ne te fais pas trop de soucis pour le comportement des autres. Par là je veux surtout dire Natas, Tana et Ellie. Enfin surtout Natas après ce que t'as fait. Mais c'est pas parce que c'est le meurtrier du groupe qu'il te fera du mal pas d'inquiétude. Ils ont juste besoin d'un temps d'adaptation à ta présence en tant que fausse Fyli comme tu veux qu'on te traite comme l'une des nôtres.

Olympe sourit. « Fausse Fyli ». Cela lui faisait tout drôle d'être appelée autrement que par un titre royal. Elle remercia Victor qui la conduisit vers la salle à manger. Il était l'heure du repas du soir.

Arcalya - tome 1Where stories live. Discover now