Quand Olympe ouvrit les yeux, elle était au sol, du sable partout sur le visage. Des hommes l'entouraient, tous recouverts de cicatrices et de blessures. C'étaient les fameux pirates dont Daphnée avait parlé, et ils étaient plus d'une dizaine, le regard fixé sur Olympe, les muscles sur-développés apparents sous leur chemise déchirée.
Olympe tenta de se relever mais un des hommes lui donna un coup de pied qui la renvoya immédiatement la tête dans le sable. Elle cracha par terre pour faire sortir la poussière de sa bouche.
- Tu es mieux au sol petit démon, s'exclama l'un.
Ils la fixaient tous avec des yeux ronds, avides, qui louchaient un peu trop sur son débardeur. Elle savait comment cette histoire allait finir : elle les tuait tous ou ils la tuaient elle. Or Olympe n'avait pas assez confiance en ses capacités pour affirmer que la première option était réalisable. Elle avait toujours la dague de Marceau et Daphnée dans la poche. Peut-être qu'avec un peu de rapidité, elle parviendrait à en tuer quelques-uns pour s'enfuir. Elle ne savait pas quoi faire.
- Attendez ! hurla un homme à la longue barbe rousse. C'est la princesse ! C'est la princesse !
- Mais oui, s'exclama un autre. Je l'ai vu dans le journal il y a des semaines. La princesse aux cheveux noirs ! C'est elle.
Cette fois-ci Olympe se leva sans que personne ne la fasse tomber. Elle clama d'une voix qu'elle espérait clair et dénuée de tremblement :
- En effet, je suis la princesse d'Arcalya. Par conséquent, vous me devez le respect.
- On doit surtout rapporter ta tête au village pour avoir la gloire éternelle, hurla un homme aux cheveux châtain bouclé. Pour faire payer ton imbécile de père qui nous laisse croupir comme des rats déjà morts.
- Vous ne comprenez pas bien la situation, répondit Olympe calmement. Je suis la future reine. En tant que telle, il est en mon pouvoir de faire changer les choses. Je retournais justement au château pour prendre mes fonctions. Laissez-moi passer et vous ne croupirez plus jamais. Du moins pas sous mon règne.
Les hommes parurent réfléchir quelques secondes. La proposition était alléchante, c'est vrai. Mais quelle était la meilleure option ? Tuer et obtenir la gloire éternelle parmi les pirates ou continuer une vie pénible en espérant que la princesse tienne parole ? Le choix était vite fait.
Olympe avait le ventre douloureux et le cœur qui battait à une vitesse anormalement rapide. Ses mains tremblaient, ainsi que ses jambes. Si son baratin ne fonctionnait pas, elle allait devoir tuer. Or elle n'avait jamais tué. Malgré le démon qui sommeillait dans son ventre, la princesse n'était pas une meurtrière. Elle aurait pu pourtant : son père, les tueurs venus pour elle. Elle aurait pu à de nombreuses reprises. Cependant elle ne voulait pas devenir un monstre comme le roi. Elle ne voulait pas enlever des vies. Toutefois, elle se surprit à espérer que le démon ne sorte et qu'il les tue tous. Car ce n'était pas vraiment sa faute étant donné qu'elle ne le contrôlait pas... N'est-ce pas ? Cependant elle sentait qu'il dormait profondément et qu'il ne se manifesterait pas. Elle ne pouvait compter que sur elle-même. Olympe évalua la situation : il y avait ici une dizaine d'homme ; si elle restait solide sur ses appuis comme le lui avaient appris les gardes, elle pouvait en tuer deux en plantant sa dague dans la gorge de l'un puis en la lançant sur un autre. Cette diversion lui permettrait de partir en courant. Mais ses hommes pouvaient la rattraper à tout moment... Ce n'était pas comme si Olympe avait d'autre choix. Elle devait le tenter.
- Votre proposition ne nous convient pas, hurla un des hommes en tirant la langue. Il est bien plus drôle de vous trancher sa gorge et de faire couler votre sang sur ce sable blanc, princesse. On pourrait même couper vos doigts un à un pour les envoyer à votre petit papa, pour lui montrer ce qu'est devenue sa fille chérie.
Le plan commençait donc maintenant. Dans un sang-froid légendaire, puisant dans ses forces les plus profondes, Olympe arrêta de trembler et fit disparait la moindre trace d'émotion de son visage. Elle regarda tous les pirates un à un dans les yeux avant de murmurer :
- C'est dommage.
- De quoi, fit l'un.
- Je n'ai pas envie de jouer.
Dans un mouvement rapide, Olympe arracha son élastique, rependant des cheveux noirs autour d'elle. Si elle pouvait les effrayer, c'était parfait. Certains reculèrent, d'autre portèrent mains à leurs armes. Mais la princesse était rapide. Toujours munie de son sourire le plus mauvais, elle dégaina la dague qu'elle planta dans la gorge du pirate derrière elle, se retournant dans un mouvement vif que les autres n'avaient pas prévus. Elle retira la dague, ignorant le sang qui coulait abondamment de la plaie de l'homme qui s'écroulait au sol. Dans un coup de pieds, elle en poussa un autre puis lança la dague le plus fort et le plus précisément possible. Elle atterrit au centre de sa cible : en plein dans l'œil du pirate le plus fort. Le sang gicla sur le visage de la princesse qui tenta de ne pas y prêter attention.
- Mais quand je joue, ajouta-t-elle, je ne perds jamais.
Puis elle s'enfuit, sautant par-dessus sa première victime. Elle ne devait pas se retourner. Elle ne pouvait pas se retourner. Elle entendait déjà les pirates à ses trousses, hurlant à la mort, prêts à en finir avec Olympe, héritière d'Arcalya. Sa tête était un trophée, sa vie un parasite qu'il fallait à tout prix exterminer. Olympe courut, plus vite qu'elle ne l'avait jamais fait. Plus vite qu'elle ne s'en croyait capable. Elle courut, tentant de rattraper le fil de sa vie qui lui échappait au fur et à mesure que les pirates la rattrapaient. Elle, qui n'avait jamais vraiment vécu, s'apprêtait à rendre son dernier souffle, car elle savait qu'elle ne gagnerait pas cette fois-ci. Le dernier jeu qui composait sa vie était arrivé, et à celui-ci, elle allait inévitablement perdre.
Peut-être que c'était mieux ainsi.
Peut-être qu'il valait mieux qu'elle meure finalement.
Cependant elle se battrait jusqu'au bout. Elle n'allait pas abandonner. Tant qu'elle respirait, elle gardait les cartes en main.
Un couteau vola, écorchant l'oreille d'Olympe. En plus d'être forts, ces pirates étaient précis. Une larme coula sur sa joue, une seule, tant la terreur était prenante et l'effort intense. Le deuxième couteau ne manqua pas sa cible et vint se flanquer dans l'épaule de la princesse qui tomba violement contre le sable qui s'incrusta dans sa blessure. Elle hurla de rage et de douleur. Toutefois, elle se releva, les dents serrées, les ongles rentrés dans ses paumes. Elle n'en avait pas fini. Pas encore. Elle recommença à courir mais un pirate vint s'écraser contre elle, la plaquant au sol. Il sortit une hache qu'il leva au-dessus de la tête d'Olympe. Celle-ci se débattait, hurlait, pleurait, s'autorisant toutes les réactions qu'elle s'interdisait d'avoir depuis des années. Elle griffa le visage du pirate, tira sur sa barbe, mordit ses mains. Remplie d'un désespoir plus fort qu'il ne l'avait jamais été, Olympe hurlait de toute ses forces.
- T'as tué mon frère ! cria le pirate. Je te promets que je vais te faire tellement mal que tu ne mourras pas à cause de ta blessure mais à cause de la douleur.
Il plaça ensuite la hache sur la gorge d'Olympe dont la vue était troublée par les larmes. La hache pénétra lentement dans la gorge de la princesse, entaillant sa peau, millimètre après millimètre, laissant son sang noir s'écouler sur le sable et éclabousser le visage du pirate. Plus rien n'existait, plus rien ne comptait. Seulement elle et la hache, emboitée, mortellement.
Olympe hurla jusqu'à ce que le hache soit trop enfoncé dans sa gorge pour lui permettre de faire le moindre son. Désespérée, elle ferma les yeux, attendant son sort. Attendant que la mort l'emporte tant la douleur était forte.
Un cri resonna alors et le pirate s'effondra sur Olympe, lâchant la hache. Était-ce terminé ? Était-elle morte ?
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Arcalya - tome 1
FantasyFuture reine d'Arcalya, Olympe doit préparer son mariage avec un prince du royaume voisin. Ecœurée par son quotidien et ses obligations royales, elle ne rêve que d'une chose : s'échapper du château. Grande sera sa surprise lorsqu'elle se fera enlev...