Cinquante-huit

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Cinquante-huit (672 mots)

Pdv de Lola

Je rentre chez moi après une journée de travail chargée. Sur le palier de mon appartement, je croise mon voisin. Nemo. C'est ainsi que Jade et moi avons décidées de le nommer, n'ayant aucune idée de son réel prénom. Ses cheveux sont en pétard, sa tenue sportive laisse insinuer qu'il rentre d'une salle de sport, et ses yeux verts envoutants se plantent soudainement dans les miens, alors même que je l'observais de bas en haut. 

À de multiples reprises, nous avons eu un eye contact (= contact visuel) lorsque Jade était à Clairefontaine. Je lui rapportais systématiquement le moindre détail ; sa tenue, l'état de ses cheveux et ses chaussures défoncées, entre autres, comme je le fais mentalement chaque fois que je le vois sur mon palier. Mais ce soir, nos regards se croisent, et il enlève son casque de sa tête pour me dire "Bonne soirée". Juste deux mots, rien que ça. Pourtant, cela fait dix minutes que je parle de ses paroles à ma meilleure amie. Ces deux petits mots m'ont fait découvrir sa voix ; rocailleuse et douce à la fois. Elle me fait penser à celle de Patrick Bruel. Je ne saurai peut-être jamais pourquoi il l'a fait ce jour-là et pas un autre, pourquoi maintenant. Pendant deux à trois semaines, nos contacts se limitaient à de discrets regards l'un sur l'autre, puis nous avons osé l'assumer. Pourtant, cela fait des années que nous sommes voisins. Alors pourquoi tout cela a-t-il commencé il y a quelques semaines ?

Je lui ai alors répondu avec une voix timide "Merci, toi aussi". Rien que ça m'a demandé un effort surhumain de concentration afin de ne pas bégayer.

J'ai rougi, lui a souri, et c'est ainsi que ça a commencé. On se disait toutes sortes de formules de politesse telles que "Bonsoir" ou "Bonne journée", le matin. Au fur et à mesure, c'est devenu "À demain" ou "Comment ça va aujourd'hui ?" et c'est ainsi que nous avons commencé à parler de la pluie et du beau temps sur le palier. Puis un beau jour, je lui ai proposé de partager un apéro à l'intérieur. Le lendemain, il m'invita à souper.

Le repas s'était bien passé. J'ai appris son nom, qui était loin de Nemo. Mon voisin est un Jules, à proprement parler.

Gentleman, poli, courtois ; toutes les qualités agréables d'un partenaire, il les possède. Il me partage alors son style, son intimité, son univers. Il est plus timide que son physique laisse paraitre. Fan inconditionnel de danse, il en pratique depuis qu'il est enfant. Il adore la danse contemporaine. Elle exige peu de formalités comparée aux différents styles de danses plus traditionnelles, on se sent donc plus libre d'interpréter comme on veut. Il apprend à danser en dehors de son travail d'ingénieur. 

Il a fini ses études il y a deux ans, danse divinement bien, et est déjà stable financièrement. Franchement, Jules a l'air d'un gros bosseur. Avant ses études, il a dû obtenir une bourse grâce à ses bonnes notes, car ses parents avaient trop peu de moyens. Il a réussi grâce à des compétitions de danse à gagner suffisamment d'argent pour payer ses premiers loyers. En plus d'avoir un corps parfaitement sculpté et un talent inné, il s'entraîne beaucoup, ce qui lui a appris la discipline et la rigueur de travail. Il est très cultivé, c'est un vrai plaisir de parler avec quelqu'un qui est si mature et réfléchi. Bref, c'est un gars hors du commun.

J'en parle souvent à Jade, lorsque je vais chez elle. Enfin, chez Benjamin plutôt. Cette veinarde - rappelons le - habite chez monsieur Pavard. Elle a sa salle de sport privée, où je m'entraine en secret pour impressionner Jules, et une petite piscine chauffée incrustée dans la terrasse. Je la jalouse pour le bon temps qu'elle peut y passer, même si je doute qu'elle en profite à cause du stress. Tout ce que je souhaite, c'est que ça aille mieux et qu'elle puisse retrouver un chez elle d'ici peu. 

Cheveux bouclésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant