Cheveux bouclés

Cinquante-cinq

Cinquante-cinq (711 mots)

Pdv de Jade

Benjamin -D'accord, je reste, mais dépêche toi... Il ne s'agit pas qu'on soit en retard.

-Je sais.

-Je voulais qu'on parle de nous.

Je sors de la salle de bain, habillée. Il paraît surpris par cette proposition, mais tout de même rassuré. Je vois ma valise bouclée et je ne me souviens pas l'avoir faite.

-Qui a fait ma valise ?

Benjamin -Moi.

-Vraiment ?

Benjamin -Je ne voulais pas que tu perdes du temps avec ça le dernier jour.

-C'est trop gentil, merci.

Je me mords la lèvre et un silence s'installe. Je me ressaisis vite. Parler de nous. C'est l'objectif.

-Par rapport à nous... Qu'est-ce que cette nuit signifie pour toi ?

Il me toise d'un air sérieux, plante ses yeux droit dans les miens et répond.

Benjamin -Le début d'un long voyage.

Un rictus amusé se forme sur son visage, probablement à cause de la surprise qui se lit dans mes yeux. Ceux-ci font des aller-retours sur toutes les parties de son visage afin de savoir s'il raconte la vérité ou non ; il a l'air étonnement sincère.

Benjamin -Je pense sincèrement qu'entre nous il y a quelque chose et si je ne me trompe pas, tu le ressens-

Mon téléphone sonne, l'interrompant. Fais chier. Il me tend mon portable sans même y jeter un coup d'œil. Je regarde le nom qui s'affiche. Patron supermarché. Mais qu'est-ce qu'il me veut pendant mes congés ?

Pdv de Benjamin Pavard

Son téléphone sonne. Je vois un nom de contact long s'afficher. Elle vérifie qui l'appelle et souffle.

Jade -C'est important, je dois vraiment répondre.

-Réponds alors.

Elle me sourit et décroche avant de me tourner le dos.

Jade -Allô monsieur ? (...) Effectivement, j'ai pris des congés. (...) Comment ça, "c'est bien sans moi" ? Je croyais que tout le monde était largué sans ma présence ? (...) Mais (...) Vous n'avez pas le droit ! On a un contrat ! (...) Vous n'avez pas fait ça ?! (...) Vous savez quoi ? Allez vous faire voir !

Elle raccroche, se rapproche du lit et se recroqueville en boule, les genoux collés à sa poitrine.

-Jade...

Jade -Je suis virée.

-T'as plus de travail ? Trop bien, t'as qu'à venir avec nous et devenir coach assistante.

Jade -T'es con.

-Désolé. Je ne sais pas quoi dire.

Jade -Alors ne dis rien.

Un rictus amusé se forma sur nos visages, mais s'affaiblit rapidement.

Pdv de Jade

Cela fait cinq minutes que j'ai sorti cette phrase de manière très sèche. Ça ne me ressemble pas... Je ne dois pas devenir désagréable à cause de mes problèmes personnels. Et comme si j'avais besoin de me justifier, je lui raconte mon histoire, depuis le tout début.

-Je suis partie de chez mes parents à Paris le jour même de mes dix-huit ans car je ne pouvais pas supporter ma mère. C'est toujours le cas, d'ailleurs. J'ai alors terminé mon année dans une école à Lille, où j'ai obtenu le BAC avec de grandes difficultés. Il était clair que je n'étais pas faite pour un parcours scolaire ordinaire. Les hautes études avaient un niveau bien trop supérieur au mien. Alors, je n'en ai pas faites. J'ai vécu avec ma meilleure amie, Lola, avant de trouver un appartement digne de ce nom. Je travaillais alors au supermarché, toutes les après-midi, du lundi au samedi. Et puis, j'ai trouvé un travail complémentaire dans une boulangerie grâce à un ami dont le père est le patron du commerce. C'était parfait afin de vivre aisément. Je me retrouvais à faire de longues journées très productives. Je suis grassement payée grâce aux deux jobs que je superpose. Pas avec un seul. D'ici peu de temps, mes économies auront disparu à cause du loyer. J'ai trop de fierté pour demander à Lola de retourner vivre chez elle et il est hors de question de retourner vivre à Paris et de prouver à ma chère et tendre mère que je ne sais pas m'en sortir sans son fric. J'ai trop de dignité pour faire ça, je crois même que je préfère dormir sous les ponts. Ma détermination est une force, mais elle me mènera tout droit à ma perte. Car si je ne fais rien de tout ceci, d'ici quelques mois je serai à la rue, Ben.