𝐈𝐍𝐓𝐄𝐑𝐋𝐔𝐃𝐄

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20 Mars. 2006

« Le désastre des astres »



« C'est encore moi, s'il te plaît, réponds-moi, laisse-moi tout t'expliquer... Je ne voulais pas que ça se passe comme ça, je suis vraiment désolé. »

Mon pied se pose sur le banc de cet arrêt de bus. Autour de moi, le monde semble figé, les passants flous se déplaçant comme des ombres dans une toile de fond grise. Le vent, léger mais tranchant, fait danser les feuilles mortes sur le sol.

Encore !

Une fois de plus, mon pouce appuie sur la touche de mon portable pour rejouer ce message.

C'est le seul souvenir que j'ai de lui, l'idée qu'il me l'a envoyé quelques minutes avant l'incident me tord le ventre jusqu'aux entrailles.

Malgré ma colère, j'aurais dû répondre., rester près de lui, écouter ce qu'il avait à dire, lui donner la chance de s'expliquer. Après tout, il devait avoir une raison, pour ne m'avoir rien dit. Il était quand même sous protection des témoins, un homme pris dans un engrenage dont il ne pouvait pas s'échapper.

« Étais. »

Parler de lui au passé me fait si mal, bien plus que je ne l'aurais imaginé ... que je veux me l'avouer.

J'aimerais bien croire qu'il est encore en vie, mais la réalité ne joue pas en ma faveur. Trois corps ont été retrouvés dans leur maison, l'un d'eux appartenait sûrement à l'un de leurs assaillants, identifié rapidement, car il a eu la chance d'échapper aux flammes qui avaient embrasé le lieu. Je ne peux pas en dire autant des deux autres. L'un avait le visage tellement enfoncé par des coups de batte que les médecins légistes ont dû l'identifier par ses dents. Bizarrement, il n'était pas répertorié dans les bases de données, comme s'il n'avait jamais existé. Quant à l'autre, son corps était si calciné qu'il ne restait presque que des os, vêtus des lambeaux d'une vie qui avait été.

Mon père ne s'en est jamais remis. Pendant la nuit, je l'entends souvent pleurer dans sa chambre. Il parle à Kaein, comme si celui-ci pouvait encore l'entend.

« Pardonne-moi, »
« J'ai échoué. »
« J'aurais dû être plus présent pour toi. »
« J'aurais dû faire mieux. »

Et puis, il finit toujours par prononcer « Je t'aime. »

Je reste là, figée dans l'encadrement de la porte, écoutant son chagrin se déverser comme une rivière en crue, emportant tout sur son passage.

Ça me tue de le voir se détruire ainsi, de voir cet homme fort, se transformer en une ombre de lui-même. Il évite souvent mon regard, comme s'il craignait que je puisse lire dans son âme ce qu'il ne peut pas exprimer.

Les jours passent, et moi, je demeure là, spectatrice impuissante de son déclin. J'essaie de lui parler, de lui remonter le moral, mais il me repousse. « Je n'ai pas le temps, je n'ai pas la tête à ça, » , ou il ne répond même pas,.

Après une énième fois écoute , je me décide enfin de me lever . Je m'étire lentement, laissant mes muscles se détendre après cette immobilité prolongée. Une petite promenade me fera le plus grand bien.

Peut-être que cette nouvelle perspective m'aidera à éclaircir mes pensées.

Non loin, les lumières du Market brillent dans l'obscurité. C'est l'endroit où je l'ai aperçue pour la première fois, alors qu'il tentait d'aider le caissier qu'un de ses amis avait blessé par balle.

— Oh, ça va ? m'interpelle une voix aigüe et familière.

Je me retourne et aperçois Tesly, avec son sourire enjôleur qui ne laisse jamais présager les piques qu'elle aime lancer. Comme à son habitude, elle est entourée de ses amies inséparables, du moins jusqu'à ce qu'elle termine à l'hôpital .

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 04 ⏰

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