L'enfant du dragon (TERMINE)

Introduction

    Notre histoire commence un jour de tempête dans les montagnes frontalières entre le pays des dragons et le royaume des chevaucheurs de dragons.Quel nom bien pompeux pour une si petite contrée avec bien peu de richesses naturelles, bordée à l'ouest et à l'est par l'océan et ses archipels peuplés de pirates. Au nord, les montagnes si hautes et escarpées que de nos jours bien peu de gens n'osent s'y aventurer ; et derrière commençait le pays des dragons qui n'avait plus vu d'humains depuis plusieurs siècles. Au sud,l'empire Zhikerhoz, le plus grand empire conquérant qu'ait connu ce continent. L'intérieur du petit royaume était, hormis les montagnes du nord, essentiellement composé de plaines venteuses où la culture et l'élevage étaient compliqués. Et la seule chose qui protégeait encore réellement ce pays des pirates et de l'empire, c'était son ancienne renommée. Toutefois, l'équilibre était plus fragile que jamais.

   Mais ce jour-là, dans les montagnes, une femme bravait le vent, la neige et le froid pour avancer vers le nord. Le dos voûté, les traits tirés par la fatigue et la faim, bleuie par le froid, elle protégeait de son mieux la minuscule boule de laine qui se trouvait dans ses bras. Malgré les éléments, les falaises escarpées et dangereuses, l'épuisement et son ventre vide, on pouvait lire dans son regard la détermination de quelqu'un qui n'a plus rien à perdre et que rien n'arrêtera. Elle le savait, son périple tirait sur la fin, son calvaire allait bientôt s'arrêter. Pour elle, il n'y aurait pas de voyage retour. Toutefois, sa fille vivrait. Si elle n'avait pu sauver ni son mari ni ses fils des griffes de ces odieux pirates, si elle n'avait pas su résister à la famine et produire suffisamment pour les nourrir, sa fille et elle, son enfant grandirait. Elle serait protégée comme aucun humain ne l'avait plus été depuis longtemps.
    Enfin, à travers la neige et le brouillard, la courageuse femme aperçut le portail. Celui qui marquait la limite du royaume des dragons. Elle trouva la force de faire les derniers pas avant de tomber à genoux devant le monument magistral de granite. Elle déposa avec délicatesse son paquet devant elle. Et puisant dans ses dernières réserves, elle déclara d'une voix enrouée :

    — Ô puissant et noble dragon, pardonnez mon impudence de me présenter devant vous dans un tel état, mais je viens implorer votre protection pour ma fille. Je vous supplie de bien vouloir la recueillir parmi vous et l'élever comme une des vôtres. Mon mari et mes fils se sont fait tuer par des pirates durant leur pêche et je ne peux plus nous nourrir avec la famine. Je suis trop faible pour subvenir aux besoins de ma fille. S'il vous plaît, acceptez-la... Faites que ma fille vive. Elle le doit...

    La voix de la femme s'éteignit dans le vent. Après un instant, sans aucun signe de réponse, deux bourrasques chassèrent la neige et le brouillard. En face de la frêle femme venait de se poser un dragon immense et majestueux. Ses écailles argentées brillaient comme des diamants et dans ses yeux dorés, on pouvait lire la vieillesse des centenaires. La pauvre humaine ne put qu'être éblouie devant unetelle apparition.

    — Salut à toi,vaillante humaine. Cela fait bien longtemps que nous n'avons plus eu l'honneur de la visite d'un des tiens. Nous avons entendu ta demande et c'est avec plaisir que nous l'acceptons. Comment se nomme cette enfant ?

    — Élentir.

    — Quel beau nom pour une bien belle enfant. Elle regardera les étoiles avec nous et nous lui conterons l'histoire d'une femme bien courageuse qui,malgré la fatigue, malgré les obstacles, brava les éléments par amour pour sa fille.

    Le sourire au visage, la femme s'effondra alors telle une marionnette à laquelle on aurait coupé les fils. Elle avait fini son voyage.Elle pouvait se reposer.